Monday, February 25, 2008

Lénine


Pour compenser la gravité du message précédent: voici une photo du Lénine de Fremont, le quartier des artistes de Seattle, décoré pour les fêtes de Noël. La statue a été achetée dans une des ex-républiques soviétiques au moment de son déboulonnage et transportée à Seattle aux frais de l'association des artistes du quartier. Enfin je raconte l'histoire de mémoire, les lecteurs accidentels de ce blogs qui seraient mieux informés sont chaleureusement invités à contribuer.

Sunday, February 24, 2008

S'installer à Seattle... quand on n'a pas vraiment choisi

Seattle ces derniers jours avait des couleurs printanières. Le soleil brillait, il faisait doux même, les montagnes étaient tellement belles, j'étais allée skier avec mes amis, écouter de la musique et danser le quadrille avec Cody, et j'ai même passé le dimanche sur la terrasse à lire Fanon.
Je ne suis pas allée voir ma famille de réfugiés iraqiens cette semaine. La semaine dernière, quand j'ai appelé à l'heure habituelle le dimanche ils m'ont dit qu'ils sortaient, qu'ils allaient voir leurs voisins. J'étais un peu vexée, me disant qu'ils voyaient leurs voisins tous les jours et que moi je ne venais qu'une fois par semaine. Je crois qu'ils en ont eu assez que je leur répète qu'ils ne pouvaient pas vivre sur l'aide sociale, que de toutes façons elle allait leur être suspendue sous peu et que, vraiment, ils devraient accepter le travail qu'on leur propose, même si c'est sale et fatigant. J., la mère, est celle qui parle le mieux anglais, mais elle n'a jamais travaillé et ne veut pas nettoyer les chiottes des hôtels de l'aéroport. Le père, lui, dit être prêt à faire à peu près n'importe quoi mais il sait à peine dire son nom en anglais alors il n'est pas très employable. Jenane voudrait étudier pour être assistante médicale. Elle prend des cours pour cela. Je l'encourage, un peu dubitative toutefois: qui paye ? C'est aux frais du gouvernement.
- (moi) Vraiment ?
- (la mère) Oui, c'est un prêt, on rembourse après.
- (moi) Mais avec quoi vous allez vivre en attendant ?
- (la mère) Ben, avec l'aide sociale.
- (moi) Ce n'est pas possible, il faut que quelqu'un travaille dans la maison.
- (le père) Alors c'est cela les Etats Unis, on n'a pas le droit d'apprendre ?
- (moi) Mais enfin, qui paye ? ce sont les impôts des gens... ce n'est pas accepté aux Etats-Unis de financer ses études avec l'aide sociale ! les étudiants travaillent.
- (le père) Si j'avais su vraiment, on ne serait jamais venus aux Etats Unis !
- (moi) Oh, ça suffit, je ne veux plus entendre ce genre de commentaire. C'est un pays extraordinaire, d'accord le système de santé n'est pas le meilleur mais il y a beaucoup d'opportunités ici. Tu commences par nettoyer les toilettes de l'hôtel, et quelques années plus tard tu es le patron de l'hôtel (et intérieurement: mon Dieu qu'est ce que je débite comme âneries... suis-je vraiment obligée de perpétuer ce mythe absurde du self made man américain et de l'ascension sociale fulgurante pour les inciter à donner un coup de talon au fond de la mare de désespoir où ils s'embourbent? mais comment leur donner envie de remonter un peu à la surface sans essayer de les convaincre de ses illusions, pour qu'ils essaient au moins... ils n'ont rien à perdre... c'est en restant à ruminer leurs remords qu'ils vont tout perdre...)
- (le père) Oui pardon... mais tu vois si on avait pu aller en Australie, toute la famille est en Australie. C'est mille fois mieux là bas. Le gouvernement donne plus d'argent. Ici on n'a même pas de quoi vivre. Toute l'aide sociale part dans le loyer. Le reste on l'achète avec des coupons d'alimentation - je regarde leur télé immense, qui fait quatre fois la taille de la mienne. Je me rattrape: ils ne l'ont pas achetée, ils l'ont récupérée d'un voisin qui s'était acheté un écran plat pour Noël; pareil pour l'ordinateur; mais je ne peux m'empêcher de penser qu'ils ne vivent pas dans l'état de dénuement matériel que l'on attend de réfugiés. En fait, leur problème principal, c'est qu'ils ne correspondent pas au stéréotype du réfugié misérable. Ils n'étaient pas misérables en Iraq, et, dans leurs premières années d'exil en Syrie, ils ne se débrouillaient pas trop mal, ils ont épuisé leurs économies mais maintenu un niveau de vie décent.
Suite de mon monologue intérieur: j'ai l'impression de me trahir politiquement par les propos que je tiens au père. Ne suis-je pas en train de lui demander de se conformer au modèle américain de société néolibérale ? Quel type de pouvoir impose-t-on aux gens quand on veut les aider ? La bonne volonté excuse-t-elle tout ? D'un autre côté, la position éthique du respect de l'autre est-elle toujours tenable sur le plan pratique? Les anthropologues ont beau jeu de critiquer les institutions humanitaires, les comparant à l'entreprise ou à des suppôts de l'appareil d'Etat. Toujours est-il que ce n'est pas vraiment en consacrant la légitimité du discours "subalterne" qu'on aide des réfugiés à s'adapter à la société dans laquelle, bon gré mal gré, ils vont bien devoir vivre...
Clash of expectations. C'est ainsi que j'explique leur problème. De mon point de vue, l'association qui s'occupe de leur installation n'est ni naïve ni dysfonctionnelle. Un programme bien rodé d'assistance sociale et de tutorat éducatif prévoit d'accompagner les réfugiés pendant deux ou trois mois, au terme desquels ils doivent trouver un emploi et progressivement se suffire à eux-même. 16 heures de cours d'anglais par semaine, des ateliers d'aide à la rédaction de cv et de préparation à l'entretien d'embauche, d'excellentes connexions avec tout un réseau associatif local et des employeurs (en premier lieu, l'aéroport). Mais, comme me l'expliquait une des assistantes sociales de l'association, ça ne marche pas avec les Iraqiens. Ca marche très bien avec les Somaliens, les Birmans, mais pas avec les Iraqiens. Ils se plaignent toujours et refusent les boulots qu'on leur propose. Elle me cite le cas de H., un jeune homme qui était traducteur pour l'armée américaine. Grièvement blessé au cours d'une attaque, il a passé plusieurs mois en Jordanie, à l'hôpital, et continue de recevoir des traitements ici. Il a l'air fringant cependant, tout à fait apte à travailler. Mais il a de grandes attentes. Il ne fera pas n'importe quoi. Il aimerait enseigner l'arabe dans le camp d'entraînement militaire de Fort Lewis, mais c'est un peu loin et il n'a pas de voiture. Il n'est pas prêt à faire trois heures de bus par jour pour aller travailler là bas. Et puis il aimerait faire des études aussi et avoir une position sociale respectable aux Etats-Unis. Il a un ton fortement vindicatif qui tend à déteindre sur les autres. Aussi m'a-t-il semblé qu'au cours des semaines ma famille devenait de plus en plus cynique. Le père, lui, n'est pas du tout favorable à l'occupation américaine en Iraq; il n'en parle pas trop mais de son point de vue les Etats Unis lui doivent une compensation pour lui avoir aliéné sa patrie, pour avoir bouleversé son pays au point qu'il en devienne étranger. Et il ne veut pas y rester.
- (le père) Tu sais si on a le droit de voyager ?
- (moi) Je ne sais pas ce que vous avez comme papiers, mais je crois que oui... Tu veux aller où ?
- (le père) En Australie
- (moi) Oui mais il faut payer le billet d'avion...
- (le père) Eux ils resteront ici, moi j'irai travailler en Australie. Non je ne sais pas. Enfin la mort c'est la solution.
- (moi) Il ne faut pas dire ça. Vous avez un bel avenir aux Etats Unis. Regarde tes enfants vont à l'école, toi tu vas trouver un travail et tout ira bien !
- (le père) Mais je ne peux pas parler anglais, ça ne rentre pas !
- (moi) Mais si ! Et puis Seattle est une belle ville...
- (le père) on n'a même pas l'occasion de la voir.
Alors ce dimanche je me suis dit: pour leur redonner un peu d'énergie et leur faire aimer Seattle, je vais les emmener en promenade sous ce soleil magnifique. A ma proposition, la mère me répond qu'elle ne veut pas sortir, elle ne se sent pas bien. Elle est peut être enceinte.

Friday, February 08, 2008

Les Témoins à la porte

Il m’est arrivé quelque chose de bizarre aujourd’hui. Dix heures du matin ; j’étais à la maison, à finir la traduction de l’article de Lorna Rhodes sur les malades mentaux en prison, dans un faible rayon de soleil, deux couvertures sur mes genoux, quand j’entends frapper à la porte. Je vais ouvrir. Deux charmantes jeunes filles se présentent. Janet et Rosanna. Je me dis « tiens, des Mormonnes » .
- Est-ce qu’il y a quelqu’un qui parle français ici ?
- Oui, moi.
- Nous venons vous présenter la Bible en français.
Janet sort de son petit sac à main en cuir une jolie Bible reliée en français et me montre le verset 37 sur ceux qui seront sauvés. Etrange. Je leur demande de quel groupe elles sont. Témoins de Jéhovah. Janet me tend la Tour de Garde, exactement la même revue que celle qu’on me distribuait à la sortie du métro Asnières-Gennevilliers. Elles me proposent, dans un français hésitant, de revenir discuter du message biblique la semaine prochaine. Le numéro de la Tour de Garde porte sur l’augmentation de la criminalité. Je les remercie de leur gentillesse, mais vous savez, je suis musulmane alors bon… (je sais, c’était un peu facile). Mais au fait, comment saviez-vous qu’il y avait quelqu’un qui parlait français ici ? Oh, par l’annuaire, on regarde les noms qui ont l’air français et on va rendre visite aux gens pour leur proposer la Bible dans leur langue maternelle ; c’est toujours mieux de pouvoir lire le message dans sa langue… on le fait aussi pour le russe, l’allemand, l’italien, beaucoup d’autres langues !
Je referme la porte, perplexe. Je ne suis pas dans l’annuaire et, à vue d’oeil, mon nom ne sonne pas si français que cela… Les témoins de Jéhovah ont-ils un réseau de moukhabarat comme les Syriens ? des agents de l’ombre qui traquent les annuaires de l’université, ou, pire, infiltrent les cercles d’amis ? facebook ? pourquoi se donnent-ils tant de mal pour traquer les « égarés » à sauver ? que font-ils dans la vie ?
Le soir Cody me dit que les Mormons qui sont passés la semaine dernière lui ont laissé un message sur son téléphone.
- Tu leur as donné ton numéro ?
- Ouais, ils sont marrants ces gamins, ils m'ont dit que Dieu les aidait à faire leurs devoirs à l'école, alors je leur répondu que je lisais Nietzsche et que Dieu était mort, ils étaient tout troublés; mais je leur ai donné mon numéro et je leur ai dit de revenir pour parler avec ma copine française, c’est une expérience culturelle.

Est-ce que les Mormons et les Témoins de Jéhovah ont conclu une alliance pour répandre le message biblique à Seattle ?

Sunday, January 27, 2008

Sourires


Et parce que je ne fais pas que des activités charitables dans la vie quand même, voici une photo avec Simon Shaheen, musicien fabuleux qui joue du 'oud et du violon, et qui est venu donner un concert à Seattle. Zied, un de mes joyeux camarades (et fidèle lecteur de ce blog; donc il sera content que je le cite !!!) connaissait le contrebassiste, tunisien comme lui, alors il l'a amené à la maison après le concert et nous avons fumé la chicha en discutant politique américaine et de musique. J'avais eu le temps aussi de faire, en un temps record de 7mn (plus 30mn de cuisson) un délicieux clafoutis pêche-rose...
nb: je n'ai rien posté depuis longtemps mais comme j'avais beaucoup écrit entre temps il y a deux nouveaux messages après celui-ci.

Le reflet de la lune sur le lac gelé.

Une autre de mes expériences avec l'envers du décor à Seattle. Toute la semaine le soleil brillait et faisait scintiller le givre sur les arbres. Dans la clarté de l'horizon on pouvait admirer les montagnes enneigées. Le syndrome hivernal du manque chronique de lumière - appelé SAD; seasonnal affective disorder - marquait un sérieux recul, estompé il est vrai par une recrudescence de rhumes dûs probablement au froid inhabituel et au maintien d'habitudes inadaptées au climat (du type tongues et short).
C'est donc bien couverte que je suis partie, jeudi dans la nuit, au Compass Center de Seattle. Il était 2h30 du matin et des centaines de personnes s'étaient réunies là pour le One Night Count: ue nuit de recensement du nombre de sans-abris à Seattle. La colonne vertébrale de cette entreprise, c'est le réseau des églises locales. Je me suis inscrite pour le secteur "Greenlake" (voir la carte- nb j'habite sur la droite par rapport à Greenlake, juste au dessous du point bleu inférieur, c'est Greenlake reservoir)

Agrandir le plan

J'étais dans une sous-équipe avec trois Américains d'origine asiatique venant de l'église protestante de Keystone (dont un vieillard gaillard de 81 ans, vétéran de la seconde guerre mondiale et ancien champion de triathlon), et un jeune cool de type un peu latino qui m'a dit qu'il était pasteur de l'église américano-taiwanaise. Une équipe sympathique. Nous avions la charge du tour du lac, moitié est, une autre équipe faisait la partie ouest. Il fallait observer chaque buisson, chaque recoin pour voir si quelqu'un y dormait, et signaler sur notre petite fiche le nombre de personnes observées; le type d'abri (couvertures, tente, voiture etc). La consigne était de ne pas déranger les sans-abris donc les informations sont très lacunaires (on ne sait pas l'age; le sexe ou la nationalité de la personne). Nous avons compté, avec mon équipe, quatre personnes (dont une sorte de tente faite de bâche, compte pour 2 personnes, c'est la règle). Nous avions des doutes sur le statut de deux personnes qui couraient autour du lac ( à 3h30 du matin, par un froid glacial); mais notre vétéran leur a demandé s'ils étaient sans abris et ils ont répondu que pas du tout, ils faisaient leur jogging. Le manque de sommeil est aussi un fléau de l'Amérique...
L'autre équipe qui faisait le tour du lac a compté deux sans abris. Total de 6 pour le tour d'un lac qui est le paradis des joggers du dimanche. Cela me semble beaucoup pour ce quartier résidentiel où aucun sans-abri n'est visible de jour (contrairement au centre ville). Et beaucoup pour une nuit qui était sans doute l'une des plus froide de l'année, dans les -5/-10 degrés. L'eau du lac avait un air dur et figé, et reflétait avec indifférence les pâles rayons de la lune.

Pour information; le One Night Count a recensé 1 976 sans-abris à Seattle (pour une population de 580 000 habitants environ), chiffre qui exclut les personnes en centres d'hébergement mais inclut les personnes qui se trouvaient dans les abris exceptionnels "grand froid", 140 pour l'ensemble du comté (Seattle et sa banlieue). Ceci représente une augmentation de 15% par rapport à l'an dernier (alors qu'il faisait moins froid...). L'opération de recensement sert à faire pression sur les autorités publiques pour développer le logement social. La tendance actuelle est plutôt à la création de condos (lofts; grands appartements en copropriété).

Prendre un rendez-vous chez le médecin.

Mes deux activités de volontariat, à la prison et chez les réfugiés iraquiens, sont pour moi une occasion formidable de découvrir l'envers de l'Amérique. Depuis l'immense campus de l'Université de Washington, sa bibliothèque-cathédrale, son ratio de 4 ordinateurs par élève, ses écureuils euphoriques, et son hôpital qui est l'un des meilleurs du pays, on oublie vite ceux qui n'ont pas eu le ticket d'entrée à la bulle magique.
Il y a dix jours environ, Jenane me demande de l'aider à prendre un rendez-vous chez une gynécologue. Pas de problème: je sors la feuille de contacts donnée par l'IRC (l'association qui les prend en charge) et appelle le centre de santé. Bonjour, j'aimerais prendre un rendez-vous avec une gynécologue. - Quel type d'assurance avez-vous? - DSHS (c'est l'assurance maladie fournie par les services sociaux; équivalent américain de la CMU sauf que ce n'est pas vraiment universel ni dans son attibution, ni dans son fonctionnement, comme je le découvre par la suite). - On n'accepte pas cette assurance pour un rendez-vous gynécologie, sauf si la patiente est enceinte. Le centre de santé n'accepte pas non plus le coupon pour la médecine générale; mais la réceptionniste est gentille et elle me donne quelques numéros de téléphone. Après trois nouveaux échecs, j'appelle un autre numéro sur ma liste, celui d'une association de femmes réfugiées - ils doivent bien avoir des adresses. Une femme adorable me dit qu'elle va chercher des numéros, cela devrait lui prendre cinq minutes, et elle me rappelle tout de suite. Une heure trente après - Pardon de rappeler si tard, cela m'a pris plus de temps que prévu mais j'ai trouvé un centre qui a un service gynécologie et devrait accepter le coupon (= DSHS; je commence à comprendre que c'est une assurance qui fonctionne comme des tickets d'alimentation). J'appelle donc Unibe - Non; service gynécologie on ne prend pas.- Est-ce qu'il serait possible d'avoir un rendez-vous en médecine générale alors, avec un médecin femme ? Je suis soulagée: j'ai donné le numéro du coupon, fixé une date pour dans 4 jours, et on m'a même proposé un traducteur pour Jenane.
Le lendemain le centre m'appelle et me dit qu'après vérification, ils se sont aperçus qu'ils ne prenaient pas le coupon. Il faut le transférer sur Molina. Quoi ? Je ne comprends rien, alors j'appelle la coordinatrice de l'IRC à l'aide :
Yasmine, I forwarded your email to the caseworker and this her response is below:

“I know it is hard with the medical coupon. 2 years ago every doctor was accepting medical coupon and now practically nobody. I have to ask around about the doctor. It might take a few days. Unfortunately there is no formula for an easy doc find. You call and they tell you. Stupid, I know. I will let you know when I find a doctor and then Yasmine can schedule with the specifics she mentioned.”
(je sais que c'est difficile avec le coupon médical. Il ya 2 ans tous les médecins l'acceptaient et maintenant presque personne ne le prend. Je vais demander autour de moi; cela peut prendre quelques jours. Malheureusement il n'y a pas de formule magique pour trouver un médecin facilement. Tu appelles et ils te disent oui ou non. Je sais, c'est stupide. Je te tiens au courant dès que j'ai trouvé un médecin et Yasmine pourra fixer le rendez-vous)
La semaine suivante, Jenane m'appelle pour me dire que l'assistante sociale lui a donné quatre numéros de téléphone. Je me retrouve au premier centre, qui n'accepte que les femmes enceintes. Retour à la case départ. Ils me donnent une autre adresse, -bonjourcentresemarquepuisjefairepourvous? - J'aimerais prendre un rendez-vous en gynécologie -onn'aplusdegynecologueici. - En médecine générale alors ? -Quelassuranceavezvous? qlestlnomdlpatiente?- Vous pourriez parler plus lentement s'il vous plaît ? - Quel-est-le-nom de lapatiente? - Dtdenaissance? - Heureusement je commence à connaître la liste des questions et j'obtiens un rendez-vous; la réceptionniste pressée me dit que si jamais le centre n'accepte pas le coupon, ce qui est une possibilité, alors la consultation sera à la charge de la patiente: 100 dollars (médecine générale). J'écris à la coordinatrice de l'IRC pour qu'elle m'explique le système des coupons: voici son courriel (traduit cette fois)
Ah, le coupon médical c'est un autre exemple de comment les Américains peuvent rendre compliqués des concepts assez simples au départ. Lorsque les gens reçoivent les coupns médicaux, ils sont enregistrés dans différents plans. Ces plans ne permettent aux gens d'aller que chez certains médecins approuvés par le plan. Unibe fait partie du plan Molina. Je crois que la famille a été enregistrée dans Community Health plan de Washington; ce qui est embêtant parce que les seuls centres de santé approuvés sont les Community Health Centers; et le plus près est à White Center (je regarde sur googlemap... pas si près mais il doit bien y avoir un bus...).
Une semaine plus tard (on entre donc dans la troisième semaine de l'affaire. Je ne sais pas trop ce qu'a Jenane mais j'espère pour elle que ce n'est pas si urgent...), j'apprends que finalement elle peut aller dans une des cliniques près de chez elle, mais qu'ils trouvent qu'il n'est pas nécessaire qu'elle ait un traducteur. Alors Jenane ne veut pas y aller...

Sunday, January 13, 2008

De la morale et de la sécurité

J'écris aujourd'hui, une fois n'est pas coutume, à propos d'un des prisonniers que je vois le vendredi lors de mes visites à l'unité psychiatrique de la prison de Monroe. Norton est un jeune homme palichot et maigrelet. Il a tout juste 21 ans mais c'est un warrior: d'ailleurs il était dans les Marines. Son instructeur n'a pas voulu l'envoyer en Iraq, il aurait bien aimé parce que c'est ce que font les vrais hommes, mais l'instructeur a dit que Norton était trop émotif, parce qu'il pleurait devant les films projetés aux nouvelles recrues. Mais il a eu son baptême du feu malgré tout, au cours d'une opération dont les médias n'ont pas parlé: c'était au Canada, à la frontière avec l'Alaska. Le gouvernement canadien avait appelé les Marines américains à la rescousse pour combattre de dangereux pirates. L'affrontement a été violent, plusieurs hommes ont été tués. Un vent glacé soufflait, c'était horrible.
Ce fut la seule expérience au front de Norton. Il s'est foulé la cheville et, alors qu'il était en convalescence, il a été arrêté.
Norton vient chaque vendredi; parfois il veut parler, et s'engage dans de longues conversations sur la politique internationale. Nourri de romans d'espionnages, il a une perspective intéressante sur la question. A la fois tolérant (les terroristes, ce sont des gens qui se trompent de moyens pour réaliser leurs objectifs politiques légitimes) et extrême (la solution au problème iraqien, c'est d'oblitérer ce pays). Fasciné de conspirations.
Parfois il apporte ses photos et les range soigneusement dans son album. Rayonnent les sourires de belles jeunes filles. Sa meilleure amie. Sa soeur. Aussi Lindsey Lohan, starlette américaine. Trois belles blondes qui semblent apporter un peu de vie dans la griseur de la prison. Mais la meilleure amie s'est suicidée il y a deux ans, et la soeur est morte le mois dernier sur un parking de supermarché, poignardée par l'homme qui voulait lui voler sa voiture. Images morbides. Manquant de mots pour décrire la situation, c'est d'un "ça fait chier" que Norton exprime l'étendue de son désarroi.
Fait chier aussi sa situation en prison. Norton dit qu'il a été arrêté pour un crime qui n'en est pas un dans plusieurs pays. Drogue ? Non. Quoi alors ? Je peux pas le dire comme cela, c'est embarrassant. D'accord, ne dis rien alors. Quand j'ai été arrêté, quand j'ai vu les policiers arriver chez moi, j'ai pensé qu'ils venaient pour autre chose - je faisais pas mal de conneries à l'époque, courses de voiture et tout ça... mais quand j'ai appris que c'était pour ça, non, j'en revenais pas... C'est quoi alors? "Statutory Rape" (l'équivalent de détournement de mineur, mais le terme est bien plus fort car il renvoie au "viol": c'est un viol statutaire car l'un des deux partenaires est majeur tandis que le second est mineur). J'avais 18 ans et elle avait 16 ans. - Et tu as pris 5 ans pour ça ? - Oui j'ai eu de la chance ils voulaient me coller perpet' parce que j'avais déjà été en prison quand j'avais 15 ans. Mais ça fait chier vraiment. En plus c'est absurde, on était ensemble depuis longtemps et tout d'un coup j'ai 18 ans alors c'est illégal ! Les policiers m'ont interrogé pour savoir combien de fois on avait fait l'amour, et après ils voulaient compter chaque fois comme un crime. A la fin le procureur m'a montré le papier de l'accusation et m'a dit que si je passais devant un jury j'en prendrais pour au moins 25 ans.. alors j'ai pas voulu courir le risque et j'ai accepté le marchandage de peine (plea bargain): ils ont discuté, lui et mon avocat, et ils se sont mis d'accord sur 5 ans. Moi je n'ai rien dit, 5 ans c'est long mais j'avais trop peur d'être enfermé pendant 25 ans. Le pire c'est que ma copine elle s'est jamais plainte de rien. Elle est même allée voir les flics pour leur dire que je n'avais jamais été violent avec elle, qu'on s'aimait et tout. Ce sont ses parents qui ont porté plainte parce qu'ils savaient que j'avais été en prison avant alors ils aimaient pas la voir avec moi... Alors je n'ai pas le droit de la contacter. C'est elle qui m'appelle, moi je peux pas l'appeler. Mais on s'est fiancés - Norton montre l'anneau en papier roulé qu'il s'est fabriqué.

Il n'a pas de date de libération inscrite sur son dossier: en tant que "criminel sexuel", sa libération est conditionnée à l'approbation d'un comité spécial qui devra vérifier s'il a bien complété les programmes thérapeutiques destinés aux criminels sexuels en prison. Et quand il sortira, il devra aller de porte en porte pour se présenter à ses voisins et se signaler comme criminel sexuel. Sauf si le comité estime qu'il est trop dangereux et qu'il doit être maintenu en rétention de sûreté.

Sunday, January 06, 2008

Le manteau constellé d'étoiles

Bonne année à tous : que 2008 soit pour vous une année pleine de joie et de lumière. Je dois dire qu’ici cela commence plutôt bien, avec enfin un espoir du côté de la politique (Obama a remporté haut la main le caucus de l’Iowa et Huckabee surfe sur une vague évangéliste qui, selon la plupart des commentateurs, ne le portera pas bien loin car il n’a pas le soutien de l’ establishment républicain).
J’ai pris comme résolution pour la nouvelle année d’écrire davantage. En commençant par ce blog, qui va prendre, je pense, une forme plus libre.


Dimanche 6 janvier, dans le ferry revenant d’Orcas (je suis allée rendre visite à ma prof Lorna Rhodes). Je suis assise dans un rayon de soleil ; j’essaie d’écrire – mon journal de terrain décrivant mes observations à la prison de Monroe. Trônant sur l’eau calme, les îles fredonnent une fugue de lumière qui s’efface dans l’horizon des montagnes grises. Histoire de Fred : qu’a-t-il fait pour aller en prison, lui qui présente si bien, et est-il vraiment fou ? Son regard est comme une vitre claire, fragment isolé d’intelligibilité parmi l’opacité et le flou des visages cireux que je rencontre ici. Mais le chant des îles encore me distrait de mon cahier. Je me sent comme dilatée et agrandie. J’essaie d’absorber un peu de l’infini.
Et je me plonge à nouveau dans cet exercice de reconstitution de dialogues et situations. Ce que j’inscris dans ce petit cahier est-il bien exact d’ailleurs ? Mes analyses seraient-elles très différentes si je pouvais enregistrer les conversations dans la prison ?
- Vous écrivez votre journal ?
- Oui, en quelque sorte …
- Ah … et vous faites cela depuis longtemps ?
- Depuis un an environ (ce n’est pas une réponse exacte… je tiens ce journal depuis quelque mois seulement mais j’en ai eu d’autres avant, et suis-je obligée d’être exacte avec un étranger ?)
- J’ai un ami qui a tenu un journal intime pendant 50 ans : tous les jours il écrivait dans son journal. Vous écrivez tous les jours ?
- Non… une fois par semaine…
Le vieux monsieur en manteau noir s’assied en face de moi et ajuste sa casquette. Son regard gris est sévère et chaleureux à la fois. Je lui raconte que je suis étudiante, que je fais des recherches sur les prisons aux Etats Unis. Savez-vous que justement l’ancien directeur des prisons de l’Etat habite sur Orcas, c’est un bon ami.. Chase.. il est contre la peine capitale… un homme intéressant… il est à la retraite maintenant, mais il est consultant pour des prisons dans divers endroit du pays. Mais pourquoi étudiez-vous les prisons ? A mesure que le ferry s’approche de la côte le ciel devient plus sombre : c’est intéressant d’un point de vue anthropologique… vous voyez, le système carcéral américain est gigantesque, il y a des tendances beaucoup plus punitives qu’en Europe, et pourtant c’est un pays très libéral.. j’essaie de comprendre ce paradoxe, ou cette différence culturelle. J’aimerais comparer les pratiques pénales en France et aux Etats Unis.
La France. Il soulève sa casquette et passe sa main sur son crâne chauve, me parle de ses années de service en Europe, de Marseille à l’Autriche en passant par les Vosges. - Non mes parents n’ont pas fait la guerre, ils sont nés après. - Ma fille a visité Paris, il y a quarante ans, pendant les émeutes – ah Mai 68, la révolution hippie… une période intéressante… (ô combien cet héritage est toujours présent, entre déni oedipien et romantique fétichisation du pavé).
Il travaillait pour un hebdomadaire local, mais il est à la retraite depuis vingt cinq ans maintenant.
- J’ai déménagé à Seattle il y a deux semaines. Un jour, c’était au mois de novembre, je prenais un bain dans ma maison à Orcas et ma femme m’a dit qu’elle voulait déménager. Comment, cela fait plus de vingt ans que j’habite ici ? où déménager ? Peu importe, il faut aller ailleurs. Elle avait raison, cette maison était trop compliquée à entretenir. Mon père l’avait construite dans les années 20 ou 30. Et il y a un terrain de 6 acres. C’est beaucoup de travail. Alors j’ai décidé de vendre la maison et d’acheter un condo à Seattle. En deux semaines nous avons déménagé ! Mais je ne connais personne à Ballard… un ami m’a dit qu’il fallait environ six mois pour se sentir bien à Seattle, on verra…
Le haut parleur annonce l’arrivée du ferry à Anacortes. Assurez-vous que vous n’avez rien oublié à bord. Les piétons sont priés de débarquer par le ponton supérieur. Enchantée d’avoir fait votre connaissance, je m’appelle Yasmine. – Garry Evans.
Sa longue silhouette s’avance lentement vers le ponton pendant que je ramasse mes papiers.

En sortant du parking d’Anacortes. Il pleut. Un homme barbu appuyé sur une canne fait signe : je reconnais un des passagers du ferry et m’arrête. Merci merci c’est inespéré c’est tellement gentil à vous de vous arrêter j’étais dans le ferry je vais à Commercial Avenue c’est incroyable tout de même qu’il n’y ait pas de bus le dimanche il y en a tous les jours de la semaine vraiment ce n’est pas pratique vous voyez je suis resté bloqué – comment ça marche votre ceinture de sécurité, ah voilà… c’est parti. Il souffle. Il sent l’alcool. Est-ce bien raisonnable de prendre en stop un clochard ? Il n’est pas bien menaçant. La divinité se déguise en mendiant pour visiter les mortels.
Oui c’est surprenant qu’il n’y ait pas de bus le dimanche c’est tellement touristique les San Juan… Mais il faut dire qu’en hiver il n’y a pas grand monde. Pourtant ces îles sont magnifiques en été mais aussi en hiver avec la pluie et le vent vous voyez c’est un décor de théâtre absolument parfait… dramatique.. oui je travaille dans le théâtre, je suis scénographe… ah vous êtes française je l’avais deviné vous avez un accent… sur ces îles on pourrait mettre en scène En attendant Godot vous savez cette pièce de Samuel Beckett l’Irlandais qui écrivait en français…
Je ne saurai jamais comment il entendait mettre en scène Godot, cette pièce de l’absurde et du vide, dans ce paysage océanique. Godot me semble urbain. Je l’aurais fait jouer dans un jardin public, entre les toboggans et les animaux à ressort. Et dans l’immensité des San Juan, je voyais une rêverie existentielle comme Peer Gynt. Mais mon passager était arrivé à destination. Il m’a remercié chaleureusement, et m’a quittée d’un « God bless you » : je me suis sentie protégée et j’ai repris la route vers Seattle en me réjouissant de ces rencontres inattendues.

Monday, December 10, 2007

(photos plus tard...)

Je suis à l'aéroport de Copenhague, pour quatre bonnes heures. Je regarde les petits engins s'affairer autour des avions, c'est rigolo.
Je n'ai pas écrit sur mon blog depuis longtemps, alors voici une brève mise à jour.
Pour Thanksgiving, la famille de Cody est venue à Seattle : sa mère et son beau-père, de Houston, Texas, et son père de San Diego, Californie. Ils étaient frigorifiés en arrivant à Seattle depuis leurs contrées méridionales, mais Cody et moi nous trouvions que justement le temps était exceptionnellement beau à Seattle: il faisait froid, mais il n'a pas plu pendant 4 jours d'affilée, et on avait même un grand soleil. Alors le jeudi, nous avons mis la dinde de 25 livres (12,5 kg)dans le four et nous sommes partis nous promener à Carkeek Park, histoire de respirer l'air frais. C'est un parc un peu au nord de chez nous, qui descend sur le lac, et d'où on a une vue magnifique sur toute la baie (Puget Sound). Nous ne sommes pas restés très longtemps, on ne voulait pas laisser la dinde toute seule et de toutes façons il faisait un peu frisquet. Rentrés à la maison nous avons continué à préparer le repas pantagruléique: dinde monumentale, donc; sauce de "cranberries"; plat de patates douces et yams recouverts de marshmallow (ça c'est un truc de Louisiane, où a grandit la maman de Cody); pommes et navets; farce de croûtons et chair à saucisse épicée; riz au curry et aux raisins secs; haricots dans une sauce aux champignons; bon vin californien; et tartes en dessert. Autant dire que nous avons eu de quoi nous nourrir pour toute la semaine, et j'ai stocké de la dinde au congélo pour les mois d'hiver.... Alourdis par ce repas nous avons digéré en regardant des films- ils ont voulu absolument me montrer la Panthère Rose, parce que ça se passe à Paris avec un flic français un peu fou, et ils étaient morts de rire à entendre son accent en anglais. J'ai essayé de leur montrer de l'humour français après mais Le Père Noel est une ordure n'avait pas de sous-titres, et La Chèvre ça ne les a pas fait rire du tout, ils se sont endormis devant. Seul le père ce Cody a trouvé ça amusant, au moins un qui me comprend...
Le lendemain il faisait tellement beau qu'on a décidé sur le coup d'aller aux Iles San Juan. Il faut faire environ 1h30 de route, et après prendre le ferry. Comme on est parti un peu tard, on a décidé au hasard de s'arrêter sur la première île desservie par le ferry: Lopez Island, du nom d'un illustre personnage à l'histoire rocambolesque. C'était tellement beau... les îles San Juan sont un archipel tout au nord de l'Etat de Washington, à la frontière avec le Canada. C'est le point où la baie se mêle à l'océan, sous le regard des montagnes. Des phoques jouent dans les courants et regardent les passants, attendant les restes du pique nique peut-être...

Après tout cela il a fallu se remettre au travail parce que la fin du trimestre approchait déjà. Le temps est redevenu sombre alors ce n'était pas trop gênant de passer la journée à la bibliothèque... j'ai vu un film sur la prison d'Abou Ghraib, diffusé par la section d'Amnesty International à l'université. très intéressant. Le film montrait le point de vue des soldats qui avaient été placés comme gardiens de la prison, et chargés de surveiller les prisonniers interrogés par l'armée américaine. Ils expliquaient comment les sévices infligés aux prisonniers ne leur avaient semblé ni terribles ni anormaux puisqu'ils ne faisaient que répéter des pratiques utilisées lors des interrogatoires, sur ordres de la hiérarchie. En bref, le documentaire expliquait l'affaire des photos et montrait que ce n'était pas une "dérive" de la brigade de nuit (version officielle) mais la partie émergée de l'iceberg des pratiques de l'armée américaine. Le responsable chargé des interrogatoires à Abou Ghraib avait été nommé sur foi de ses bons services à Guantanamo. Il n'y avait pas de discussion à la fin du film (dommage) mais la question apparaît souvent dans les médias; c'est devenu un rituel maintenant de demander aux candidats à la présidentielle ce qu'ils pensent du "waterboarding" (simulation de noyade). L'autre jour, lors du débat républicain, Mitt Romney, le bon mormon, disait que puisque c'était pratiqué par l'armée américaine ce ne pouvait pas être de la torture, car l'armée américaine est une armée de héros justes et droits et qui défendent la liberté. Et surtout qu'on ne lui parle pas de fermer Guantanamo, parce qu'il ne tolérerait pas de voir un seul de ces terroristes dans un tribunal américain accompagné d'un avocat (souligné); ces gens là sont des ennemis de la démocratie, ils ne doivent pas avoir d'avocat. Seul McCain s'est franchement prononcé contre la torture et il s'est attiré des huées... Et puis maintenant on reparle de la question avec l'affaire des vidéos d'interrogatoires détruites par la CIA, probablement pour se protéger contre d'éventuelles poursuites.

Retour à la météo. Premières neiges samedi dernier c'est tellement beau, je joins quelques photos. Puis le lendemain déluge de pluie, qui a presque atteint le record du siècle pour la quantité de précipitations tombées en un jour. Olympia a été inondée, et plusieurs routes se sont effondrées à Seattle suite à des glissements de terrain. Enfin ce n'est pas le Bangladesh tout de même, pas trop de mal et, pour moi qui habite sur la colline, rien de plus que les pieds mouillées (j'ai eu la sagesse de ne pas prendre mon vélo ce jour là !!). Voilà pour l'actualité locale. Je ne suis pas trop ce qui se passe en fait; il y a eu des élections pour le conseil municipal, je ne sais même pas qui a gagné. Je sais seulement que le grand projet en cours c'est le tram qui doit relier bientôt le centre ville à l'aéroport. Mais le budget de son extension n'a pas été voté. Donc Seattle est une ville "écolo", qui se bat contre la voiture de manière assez rigoureuses (circulation limitée en centre ville; prix prohibitif pour le parking) mais n'offre comme système de transport en commun que des bus pépères, très sympathiques mais TRES très lents. C'est un peu comme le train au niveau national. Amtrack c'est sympa mais il faut vraiment avoir du temps à perdre, parce que les trains de marchandise sont prioritaires sur les trains de passagers, donc on met 24h pour aller à San Francisco, contre 3h en avion et 16h en voiture. Et les bus greyhound, c'est bien, pas très cher, mais c'est vraiment un repaire de marginaux pas toujours agréable à fréquenter. Du coup je suis bien contente de pouvoir utiliser la voiture de Cody, complètement en règle maintenant que j'ai passé mon permis de l'Etat de Washington. C'est complètement contraire à mes principes mais de toutes façons il n'ya pas d'autre moyen d'aller à la prison...

Je continue donc mon volontariat à la prison de Monroe; j'anime un "open studio" le vendredi après-midi; c'est un groupe ouvert où les prisonniers peuvent venir dessiner. Il n'y a pas beaucoup de matériel mais je leur montre un peu des trucs avec la peinture et les pastels. Et on discute. Ils sont très contents de pouvoir discuter avec moi qui viens d' ailleurs. Ils ont une vue très déformée du monde; la plupart sont en prison depuis très longtemps ou alors ils sont jeunes et très naïfs; leur principale source d'information sur le monde, c'est la télévision. L'autre jour ils me posaient des questions sur Paris en me parlant de Da Vinci Code. Je dois présenter mes recherches au département de sciences sociales à Paris et je ne sais même pas de quoi je vais parler... j'ai mis comme titre de ma présentation "qu'administre-t-on en prison" parce que je pense qu'il y a un double sens dans le fonctionnement même de la prison entre l'administration - gestion bureaucratique (centrée sur les stocks et les flux; les prisonniers comme nombre dont il faut ordonner les mouvements pour assurer un fonctionnement optimal) et l'administration de quelque chose au sens d'administrer un traitement, administrer la loi ou la sentence; administrer les médicaments... cela requiert un peu d'attention à l'individu. Monroe est un endroit particulier dans le système carcéral de l'Etat de Washington, peu de prisons ont comme celle ci les moyens d'apporter des soins particuliers pour les détenus atteints de troubles psychiatriques. C'est un environnement protégé. L'unité que je visite comporte surtout des prisonniers de très longue peine ou perpétuité ("life without"= prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle). Mais pas des gros durs... plutôt des détenus vieillissants; ou au contraire de jeunes détenus qui ont l'air tout juste sortis du lycée. Un peu perdus pour beaucoup. Vulnérables. Certains sont très clairement simples d'esprit (on dit DD ici : developmentally delayed); d'autres semblent complètement normaux jusqu'au moment où il commencent à raconter leurs délires paranoïaques. Beaucoup ont un discours religieux surexaltés. La religion est le discours extérieur le mieux toléré dans la prison; quand les détenus sont punis à l'isolement, le seul objet auquel ils ont droit est la Bible (ou un autre livre religieux); la religion est le seul argument qui permet de contourner les règles de la prison (les Amérindiens ont même le droit de bâtir une sweatlodge dans un coin grillagé de la cour de la prison: il s'agit d'une sorte de petite hutte qui est utilisée comme sauna dans des rituels auxquels je ne connais rien). Et c'est aussi le discours que les détenus semblent se réapproprier le mieux - vendredi, un prisonnier d'une vingtaine d'années, grand blond à l'air un peu rêveur, dessinait un paysage de montagnes avec un soleil levant; je lui demande ce que cela représente pour lui: c'est beau; j'aime cela, c'est très beau; c'est la création de Dieu. Je ne sais pas quel est son crime. D'un côté cela m'arrange, c'est plus facile pour moi; d'un autre côté j'aimerais savoir, car il a l'air tellement puéril et inoffensif....

Sunday, November 18, 2007

Iraqiens à Seattle

Parmi mes nombreuses activités à Seattle : apprendre à compter des M&Ms et calculer les probabilités d'obtenir un M&M rouge - d'ailleurs grâce à ce cours de statistiques j'ai vu que les Americains ne faisaient pas la distinction entre M&M et Smarties.... ; dessiner avec les prisonniers ; enseigner le passif à des étudiants éberlués que "la gazelle est mangée par le lion" ce soit du présent - et moi d'autant plus éberluée que c'est pareil en anglais ; me disputer à la fin d'une conférence sur le multiculturalisme en France avec une vieille pied-noir du Maroc arrivée à Seattle en 1954 et qui m'a dit que si l'islam continuait à se répandre en France on aurait des filles brûlées par leurs frères jaloux chaque jour de la semaine ; admirer la représentation de la Compagnie de danse La Baraka (dont la venue fut la cause de cette conférence sur le multiculturalisme) et le gracieux mélange danse classique-hip hop, le tout sur les ondulations de la musique orientale... Bref, parmi tout ça j'ai encore trouvé le temps de paser la journée de samedi avec la famille Kmeir, des Iraqiens de Bagdad arrivés à Seattle il y a trois semaines; il étaient réfugiés en Syrie depuis déjà 3 ans; suite aux persécution dont leur communauté religieuse faisait l'objet: sabéens, ils vénèrent Saint Jean Baptiste mais ne sont ni vraiment chrétiens ni vraiment musulmans. Je ne sais pas grand chose de leur histoire personnelle, je suis avec eux pour les aider à s'installer et pour leur apprendre un peu d'anglais: alors on a passé l'après-midi à répéter "who is it?"- "this is my brother" - "what is your brother's name" - "Do you like chocolate ? And your father, he likes chocolate?" - who is it? This is my son. How old is he ? - mmm sita'acher: bon il faudra apprendre les chiffres la prochaine fois... Je transpose mes cours de français en anglais, c'est vraiment de l'immersion totale. Seule la mère parle un peu anglais. Heureusement ils ont un voisin, Hayder, qui est aussi Iraqien, arrivé il y a trois mois. Et il parle bien anglais, lui: il était interprète pour l'armée américaine avant d'être blessé, évacué à Amman, puis accueilli aux Etats-Unis. Hayder comme la famille Kmeir disent qu'ils rentreront en Iraq, dès que la situation sera stqbilisée. Abou Marwan, le père, me dit qu'avec la situation actuelle, ce n'est pas leur pays, l'Iraq n'est pas reconnaissable; quand il y avait Saddam, que Dieu ait son âme, on vivait en paix. Silence. Puis nous passons à des sujets plus joyeux lorsque la mère apporte le déjeuner: du poisson grillé. Hayder et Abou Marwan entreprennent de m'expliquer que personne ne sait cuisiner le poisson comme les Iraqiens: l'Iraq est le pays où on mange le mieux. La preuve: le nombre d'Iraqiens qui portent la bedaine (Abou Marwan tape sur son ventre pour me montrer qu'il est bien nourri), et le nombre de restaurants iraqiens qui font fortune à Damas depuis l'arrivée de leurs propriétaires comme réfugiés. Abou Marwan était orfèvre à Bagdad, mais il aimerait bien ouvrir un restaurant aux Etats-Unis.

Thursday, November 08, 2007

Waterboarding and homelessness

Aujourd'hui le Congrès américain a confirmé la nomination de Michael Mukasey comme "attorney general", équivalent local de ministre de la justice, ou plutôt, sous l'administration Bush, ministre de la torture et de la détention illimitée sans procès. Mukasey remplace Alberto Gonzales, valet de président embrouillé dans des affaires troubles de révocation abusive de procureurs fédéraux, révocations sur lesquelles il a été incapable de s'expliquer car il ne "se souvenait pas" d'avoir pris la décision, pourtant il est formel, c'est bien lui qui a pris la décision. Typique du style à la mode en ce moment. Comme Bush qui, à un journaliste qui lui demande sa définition de la torture, répond que c'est écrit dans la loi (voir Le Monde du 20 octobre: Dans sa conférence de presse, mercredi, M. Bush a été interrogé sur la torture. « Quelle est votre définition du mot torture », a demandé un journaliste. « De quoi ? » a sursauté le président. « Le mot torture, quelle est votre définition ? », a répété le journaliste. « C'est défini dans la loi des Etats-Unis - et nous ne torturons pas », a assuré le président. Mais « votre définition à vous ? » a insisté le journaliste. « Quoi que ce soit qui figure dans la loi », a rétorqué M. Bush. )
La torture, justement. Mukasey, en qui tout le monde voulait voir un juge intègre, respectueux des lois et éloigné des manoeuvres politiques, a justifié le simulacre de noyade (waterboarding) comme une méthode d'interrogatoire légitime, qui ne constitue pas une forme de torture - d'ailleurs puisque ceci est pratiqué par les Etats-Unis, ce n'est pas de la torture: on ne torture pas aux Etats-Unis, c'est interdit par la loi. Vous n'imaginez pas à quel point le syllogisme perverti est devenu commun dans le discours politique. Vous connaissez l'histoire du gruyère ? Dans le gruyère il ya des trous; plus il y a de gruyère, plus il y a de trous; mais plus il y a de trous, moins il y a de gruyère; donc plus il y a de gruyère moins il y a de gruyère....
Bref l'autre info du jour, trouvée dans le New York Times, c'est ce reportage sur les vétérans de la guerre en Iraq qui, complètement déconnectés de la vie quotidienne américaine à la fois sur le plan psychologique et sur le plan socio-économique, commencent à arriver en masse dans les foyers de sans-abris, au point que la situation devient alarmante. Selon une association basée à Seattle, les vétérans qui constituent 11% de la population représentent 26% des sans-abris dans le pays, et le phénomène paraîtrait encore plus accentué pour les vétérans d'Iraq. D'après un autre article du NYT, édito sur les lacunes de la couverture maladie pour les vétérans (Malgré le recul du nombre de vétérans dans la population active, le nombre des vétérans non-assurés a augmenté de 290 000 entre 2000 et 2004, du fait d'une érosion continue de la couverture maladie garantie par l'employeur, et d'un resserrement des critères d'éligibilité à la couverture spéciale pour les vétérans.
Fin de la revue de presse. J'aime ce pays malgré tout... ce matin les arbres du parc Ravenna, véritable forêt que je traverse sur mon chemin vers l'université, s'éveillaient à peine, encore enveloppés de leurs draps de brouillard, et sitôt le voile levé, les montagnes apparurent dans le scintillement du lac. Seattle est la plus belle ville du monde; lorsque le soleil surprend sa pudeur et la révèle hors des brumes.

Tuesday, November 06, 2007

Planter des arbres et des poèmes pour sauver la planète

Week end bien chargé. Samedi, je suis allée planter des arbres dans un parc de Seattle, une vraie forêt en plein centre ville. C'était le Earthcorps day, le jour des volontaires de la terre. Alors il y avait plein de jeunes et de moins jeunes, tous avec un joli t-shirt et un café offert par Starbucks; il y avait même le maire et un congressman qui ont fait un discours galvanisant nous disant que nous étions l'avenir du monde; que chaque arbre que nous plantions absorbera une tonne de dioxyde de carbone dans sa vie et que c'est avec les gouttes d'eau qu'on fait l'océan. Alors nous avons tous retroussés nos manches, très enthousiastes d'autant que, pour une fois, il ne pleuvait pas et il faisait même assez doux... et nous avons planté des arbres et arraché du lierre, nous arrêtant de temps à autre pour admirer la pluie de feuilles colorées qui nous tombait du ciel à la moindre brise.

Dimanche, c'était la version activisme contre la guerre en Iraq. Invitée par ma copine Amel qui connaît à peu près tous les Arabes et pro-Arabes de la région, je suis allée à un déjeuner d'activistes à Olympia, où étaient invités Dahr Jemail, un journaliste américain auteur d'un livre édifiant sur les premiers mois de la guerre en Iraq, et Souhair Hammad, poète américaine d'origine palestinienne, une femme absolument extraordinaire (extrait sur youtube). Avant d'assister à leur intervention en public, nous avons discuté de l'activisme aux Etats-Unis, des risques de guerre en Iran (risques très sérieux et en même temps complètement absurdes compte-tenu de l'état de l'armée et de l'économie américaine), des manières de mobiliser les foules via la culture populaire (c'est le rayon de Souhair Hammad; diva du slam) et du rôle des vétérans.
Après tout ce bouillonnement il a bien fallu que je rentre à Seattle et à mes occupations quotidiennes... mais j'ai décidé de faire partager davantage mes informations sur internet, pour que les gens sachent au moins... Alors voici un extrait, traduit par mes soins, du bouquin de Dahr Jamail "Beyond the green zone: Dispatches from an unembedded journalist in occupied Iraq"
p:62, à Baghdad, décembre 2003, devant une école bouclée par l'armée américaine.

"Plus près de l'école, nous avons croisé trois Humvees équipées de haut-parleurs: Un traducteur iraqien donnait des instructions à la foule rassemblée devant l'école : " vous ne devez pas participer à la manifestation qui aura lieu ici demain ! Dispersez vous et allez-vous en ! "
J'ai finalement appris ce qui se passait par un soldat américain du Wisconsin, qui a demandé l'anonymat. "Apparemment quelques élèves de l'école ont tenu une manifestation pro-Saddam hier et la police iraqienne était là pour attraper les gamins qui jetaient des pierres sur la patrouille [americaine] qui passait. A part cela, ce n'était pas violent, personne n'a été blessé". J'ai demandé s'il y avait eu des coups de feu. "Non; quelques enfants jetaient des pierres; c'est tout." J'ai poussé encore mes questions, demandant s'il savait quels enfants je pouvais interroger à propos de la veille.
"Quelques policiers iraqiens ont pris des photos hier. Ils sont dans l'école en ce moment pour identifier les enfants sur les photos". Je fus stupéfait par sa réponse, et par le fait que les soldats américains soient impliqués dans la détention d'écoliers. "Quiconque se pose contre les intérêts américains ici sera arrêté."

Et Souhair Hammad: http://www.youtube.com/watch?v=LFbE8RBhSDw

Saturday, October 27, 2007

Anti-War Rally in Seattle




Le titre de ce message est volontairement en anglais, pour que les gens puissent accéder aux photos viq google. Une manière de rendre hommage à ces Américains courageux qui descendent dans les rues pour manifester contre la politique criminelle de leur gouvernement. Des manifestations étaient organisées ce samedi dans une dizaine de villes des Etats-Unis. Les coalitions contre la guerre de Seattle réunissaient une variété de gens, depuis les vétérans pour la paix jusqu'aux anarchistes en noir; en passant par tout le spectre politique des socialistes aux démocrates; ils ont bénéficié d'un renfort massif de leurs voisins de l'Oregon (Code Pink Women de Eugene; Unitarian Church of Oregon; Students for a Democratic Society de Portland). Je remarquais quand meme que la foule avait bien, en moyenne, dans les 40-50 ans, formée aux manifs contre la guerre du Viet Nam sans doute; et était aussi très blanche.




Ce qui faisait un contraste frappant avec les quartiers que nous traversions, quartiers populaires du centre-ville (rappelez-vous que la géographie urbaine des Etats-Unis est inversée par rapport au modèle parisien: les quartiers de centre ville tendent à être plus pauvres): blacks en baggy nous regardant dubitativement depuis le pas de la porte, et plus loin le quartier asiatique, où nous recevions parfois des signes de la main à travers la vitrine des restaurants, pour nous encourager. Autre chose intéressante: les flics. Toutes espèces possibles: en voiture Starsky et Hutch; en Harley (oui je vous jure, des vraies Harley Davidson !) avec des flics bedonnants dessus de préférence; puis les sportifs en vtt noirs et short noir, avec la pochette spéciale anti-émeute accrochée au vélo; et enfin les flics à cheval, qui vraiment font peur alors je suis pas restée à côté longtemps. Dans les slogans, des mots contre la guerre, pour ramener les troupes à la maison, et beaucoup de paroles contre Bush et Cheney, menteurs et criminels contre qui il prendre une mesure d'impeachment (qui entre nous, vu l'audacité des démocrates du congrès, ne risque pas d'arriver de sitôt... ). Mais les gens avec qui j'ai parlé avaient bon espoir: le mouvement d'opposition à la guerre se réorganise, il est de plus en plus fort et les manifs vont être de plus en plus fréquentes.





Sur les photos
- Un beau mannequin de l'Iraq qui pleure ses morts
- Une émouvante exposition des chaussures des soldats de l'Oregon morts en Iraq
- Bush, Cheney et Condi en prisonniers
-Une confrontation entre trois téméraires "pro war" et les manifestants, sous l'oeil vigilant de la police
- les femmes de Code Pink qui ont aussi lancé une campagne pour contrer les projets de guerre en Iran (http://www.codepink4peace.org/)



Thursday, October 25, 2007

des trucs typiques



Pour mon anniv, j'ai reçu de mes potes Joel et Traci des cadeaux typiquements américains que je vous laisse savourer...
Et puis j'ai sacrifié à la tradition d'Halloween aussi...

Wednesday, October 17, 2007

tant de choses...

... que je ne sais pas par où commencer et je repousse l'écriture de ce message depuis longtemps: il faudrait raconter la prison; ma découverte des statistiques (horrible en ce moment : après avoir passé l'excitation de savoir programmer des graphiques sur le logiciel ésotérique "R", j'en suis maintenant aux probabilités, dans des abîmes de perplexité qu'il me faudra probablement un certain temps pour lever...); et je dois aussi vous tenir au courant de l'actualité politique locale, que je ne suis plus que via le Daily Show, équivalent local des guignols, qui souvent resse,ble à un bétisier quotidiennement alimenté par le très talentueux locataire de la Maison Blanche - allez; une perle : "Childrens do learn", prononcé à l'occasion d'un discours sur l'éducation (pour ceux dont l'anglais n'est qu'approximatif, comme un certain Georges W., je rappelle que children est déjà du pluriel donc ne prend pas de s... en vengeance à ceux qui se sont moqués de lui sur ce point, ledit président a décidé de mettre son veto à une loi qui instaurait l'assurance maladie pour les enfants pauvres, parce que les assurances privées c'est mieux ; donc les enfants pauvres n'ont qu'à aller travailler à la mine, comme ça ils pourront se faire soigner leur silicose....); et puis l'organisation de la réponse à "Islamofascism Awareness Week", un événement sympathique destiné à convaincre les Américians que les musulmans sont méchants donc il faut leur envoyer des bombes sur la gueule, meme si ça coûte drôlement plus cher que la sécu pour les gosses - et d'ailleurs je le vois bien sur ma fiche de paie maintenant que je ne bénéficie plus de la convention France-USA de dispense de taxe... qui a dit qu'il n'y avait pas d'impôts aux states ?? Mais ce qui m'a décidé à écrire, aujourd'hui, c'est un sujet plus important... une belle video trouvée sur le site du NYT:
http://video.on.nytimes.com/?fr_story=8e9862a9f3a8216027ef2f9ecd1c3bc5345b4134

Sunday, October 07, 2007

la Syrie à Seattle


Bonjour les amis. Je n'ai pas écrit depuis longtemps, la rentrée, mes conflits avec keybank (que je vous conseille vivement d'éviter, ce sont des vrais voleurs), mes tergiversations autour de l'acquisition d'un téléphone portable (ce qui est fait finalement, vous pouvez m'appeler dessus: les compagnies de téléphone américaines sont une vraie mafia dédiée au dépouillage des malheureux citoyens - on paie même pour les appels reçus !!!- mais elles présentent l'avantage de ne pas surtaxer les appels), mes négociations avec la compagnie d'électricité pour avoir une facture en avance pour prouver ma résidence et faire mon permis de conduire) - bref. Et surtout j'ai eu la visite de mon amie Silva, venue de Syrie pour rendre visite à son frère à Philadelphie, finalement elle s'ennuyait avec lui alors elle est venue chez moi à Seattle - du coup elle a appris l'anglais en deux temps trois mouvements, c'était impressionnant ! On a visité Seattle, je l'ai emmenée dans la montagne, dans les bars, à l'université... bref c'était cool. Ce fut l'occasion aussi d'intéressantes confrontations entre les Etats)Unis et la Syrie, qui soudain apparaissait sous les traits d'une séduisante jeune fille, tout en douceur et sourires, et ses longs cheveux noirs au vent... Silva est restée dix jours, puis elle a du repartie à Philadelphie, me disant à l'aéroport qu'elle avait l'impression d'être Cendrillon à la fin du bal...

Saturday, September 15, 2007

back in Seattle



Après une brève escale à Paris, me voici de retour à Seattle, et le titre de mon blog reprend tout son sens...
Pour commencer, voici mon adresse
1028, NE 69th Street
Seattle WA 98115
USA
et voici une petite idée de l'endroit absolument paradisiaque où je vis. oui c'est une maison; avec terrasse ET jardin ET fleurs devant. Il y a Cody, Birch (un copain de Cody qui est un merveilleux musicien de jazz) moi et Miles, le chat (lui aussi un peu jazzman, dans le style). Vous noterez sur l'image non truquée le charmant jeune homme avec qui je vis et les "French toast" (mûres du jardin et fraises) au premier plan qui sont l'oeuvre de ses tendres mains...

pour l'instant je me remets de mon décalage horaire et je me bats avec Cody sur les couleurs pour repeindre la chambre...

Wednesday, August 22, 2007

Damas, Hama, Sayda Zaynab

-- voilà, j'ai ajouté des photos...


Je mettrai des photos, promis, mais aucune photo ne pourra rendre l'atmosphere de la rue qui mene de la mosquee des Omeyyades à Bab Touma, et du cafe Nofara ou l'on s'assied pour "boire" la chicha pendant des heures (en arabe en effet la chicha se boit plutot qu'elle ne se fume, a cause des glouglous de la fumee qui passe dans l'eau...). - la foule dans le souq Hamidye et ces pois de lumière qui tombent en dansant depuis la galerie couvrante...







Je suis allee à Hama le week-end avec Silva, nous avons rencontre un peintre qui fait vivre, sur d'immenses toiles, le fantome brumeux de la vieille ville detruite et la plainte des norias, et le jeu du soleil qui plonge entre les herbes...








J'ai visite aussi Sayda Zaynab, le tombeau de la petite-fille du prophete, fille d'Ali, et personne sainte pour les chi'ites. J'ai rencontre la bas un vieil iraqien venu de Karbala en pelerinage, il repart demain. Beaucoup de ses compatriotes ont prefere rester a Sayda Zaynab - le souq de cette banlieue populaire de Damas est plein d'images a la gloire de Nasrallah et de t-shirts "fier d'etre irakien"...





Quant a moi je vis dans le quartier assez chic de Qussaa, quartier chretien plein de boutiques de fringues de la derniere mode pas encore descendue a Paris.

Thursday, August 09, 2007

De Seattle à Damas



avec tous ces deplacements en effet le titre de mon blog n'est plus tout a fait approprie, mais puisque j'ai tant d'assidus lecteurs j'ai prefere ne pas changer l'adresse de mes recits de voyage. J'ecris d'un cafe internet a Bab Touma, le vieux quartier de Damas. Je prends des cours d'arabe a l'universite de Damas, je suis au niveau avance maintenant ce qui me permet de lire la presse, un peu de litterature, et de deiscuter surtout. J'ai retrouve beaucoup de mes amis, et Tante Marie, ou Meme, ma grand-mere damascene. Je ne fais pas grand chose d'autre, sinon decouvrir les nouveaux cafes de Damas, et certains quartiers ou je n'avais jamais mis les pieds, comme Jaramaneh, une banlieue populaire ou vivent beaucoup de chretiens, mais aussi des palestiniens et des refugies iraquiens; beaucoup d'enfants qui jouent au foot (l'Iraq a gagne la coupe d'Asie, ce fut un jour de grande liesse populaire que j'ai malheureusement manque de quelques jours), de boutiques, de banderoles officielles ou annoncant la venue prochaine des plus grandes stars de la chanson arabe; un mariage aussi, avec la mariee scintillante de mille feux dans une voiture facon ancienne, un peu retapee avec des planches de bois et decoree de rubans blancs, et les voisins au balcon.
Damas n'a pas beaucoup change, quelques constructions de plus seulement; mais j'ai l'impression qu'il y a de plus en plus de monde, une circulation de plus en plus chaotique, il faut dire qu'il y a plus d'un million de refugies iraquiens en Syrie: on s'en rend compte rien qu'a voir les prix des logements qui ont plus que double par rapport a mon dernier sejour, il y a deux ans.
J'ecris beaucoup, sur les petites choses du quotidien, les nouveaux systemes de file d'attente dans les banques avec des tickets et une voix enregistree qui appelle les clients en arabe et en anglais; l'absence de systeme dans la gare routiere de Damas qui est une veritable foire d'empoigne ou il serait impossible de trouver son bus s'il n'y avait ces rabatteurs criant le nom des destinations ("Homs, Homs!", "Halab, Halab" etc). La vie quotidienne qui repose enormement sur les ressources annexes, celles dont on est fier (le fils emigre au Canada)et celles qu'on ne dit pas. Sur la famille et les reseaux de voisins. Sur les reves rose et bleus diffuses par les chaines de clips musicaux. Sur l'espoir d'une justice extra-mondaine psalmodie dans les radios et les hauts-parleurs. Sur la douceur du parfum du jasmin qui, le soir, recouvre tendrement les tumultes de la ville.

(photo: la mosquee des Omeyyades, le lieu que je préfère à Damas)

Sunday, July 01, 2007

boucler la boucle -Seattle


Retour a Seatte. J'ai montre le campus de l'universite a Sofien: tiens, une bonne occasion de compenser pour les critiques contre le systeme americain. L'universite, voila une bonne raison d'aimer ce pays. Extraordinaires. C'est vrai qu'ils ont beaucoup plus d'argent que les universites francaises, que les eleves doivent payer etc. Mais comment ne pas admirer ces campus qui donnent vraiment des moyens a l'enseignement et a la recherche- meme Sofien a ete impressionne par cette bibliotheque qui ressemble a une cathedrale, et quand je l'ai emmene faire du canoe sur le lac, au centre sportif de l'universite, il est vraiment devenu vert de jalousie !

Le soir, nous avons dine avec des amis: Arnaud qui etait prof avec moi au departement de francais, etudiant de Montpellier qui aime la bonne cuisine francaise et nous a fait un delicieux confit de canard que sa maman lui avait envoye ; Mario, son coloc Mexicain-Americain qui a rebaptise la maison "Romantic Restaurant House"; et Danielle et John.
Le lendemain nous avions decide de nous lever tot, ce qui fut un peu difficile avec le poids du canard et du vin que nous avions verse par dessus - mais nous avions decide d'aller au San Juan Islands. Ce sont des iles au nord de Seattle, a la frontiere avec le Canada, il faut prendre le ferry et tout... mais cela vaut la peine car les iles beneficient d'un micro-climat et n'ont qu'un tiers de la pluie de Seattle ! Bon il a un peu plu quand meme, juste assez pour avoir un bel arc-en-ciel sur le bateau. Nous avions embarque des velos avec nous, et Mario, ce qui faisait une joyeuse equipee.

Et pour finir ce voyage j'ai emmene Sofien sur les collines de Queen Ann pour avoir une belle vue de Seattle illuminee par soleil.