Sunday, May 27, 2007

Le Printemps à Seattle – et Bamako.

C’est un moment fabuleux ou désespérant, selon les jours. Il fait froid, il pleut, et puis tout d’un coup le ciel est radieux et le soleil fait chanter la nature sous ses rayons – si beau qu’on en devient amnésique (ah bon, il pleuvait hier ? ah oui tiens…). Les étudiants se promènent en shorts et en petite robe, lisent sur les pelouses du campus, jouent au frisbee ou à des trucs plus originaux (monocycle, pyramides humaines) ce qui donne un petit air de cirque au campus… Les « fraternities », ces maisons à fronton grec dans lesquelles vivent des hordes de fils à papa (et de filles à maman, dans les « sororities ») tout excités d’échapper à la tutelle parentale et qui se perdent dans les beuveries le soir, s’ouvrent et se mettent à exposer leurs barbecues, beach-volley, cinéma en plein air (oui, oui, comme quoi le grand mur blanc de la façade, ça sert à quelque chose) !
Et puis la semaine suivante on paie ces quelques jours (heures…) de beau temps… pluie, froid, on ressort les manteaux et imperméables, et on déprime à voir ce ciel gris - qui va pourtant finalement nous permettre de travailler sérieusement et préparer les examens qui approchent.

Mais le Printemps c’est aussi la saison des festivals. Street Fair – sorte de fête de rue, avec plein d’artisan locaux et de stands de bouffe en tout genre (j’y ai découvert les oreilles d’éléphant, version américaine de la crêpe… enfin, une crêpe de cowboy quoi, un beignet de 10cm d’épaisseur, bien gras et saupoudré de sucre+cannelle). Folklife, festival de musique folk et musiques du monde, gratuit, au cœur de la ville. C’était pour moi l’occasion de découvrir un nouveau visage de Seattle : les jeunes grunge qui perpétuent la mémoire de Nirvana, et les vieux hippies qui retrouvent leurs jeunes années en dansant comme des petits fous sur les rythmes africains, sur le groove hawaïen, ou encore la musique irlandaise ; et puis les vieux activistes qui retrouvent l’âme de Joan Baez en fredonnant sur la pelouse…

Enfin, le printemps c’est aussi la saison du festival international de cinéma – un événement extraordinaire, des centaines de films présentés. Regardez le site internet, il est chouette. J’ai vu dimanche soir le film Bamako (je ne sais pas si c’est sorti en France ?) c’est le procès de la société civile africaine contre les institutions financières internationales, procès qui se tient dans la cour très colorée d’une maison africaine où passent toute sorte de gens, la fille qui chante, le malade qui se meurt, la matrone qui teint des tissus, les enfants avec leurs jouets en plastique qui couinent, les policiers corrompus, les avocats, et le peuple réuni dans l’audience ; les tirades sont parfois longues, témoignages contre les politiques économiques désastreuses imposées à l’Afrique, et en faveur de l’annulation de la dette. Mais le spectateur doit faire l’effort d’écouter ceux qui, pour une fois, prennent la parole en leur propre nom. C’est un film résolument militant mais qui ne perd pas de vue l’esthétique cinématographique, et évite résolument le misérabilisme dans son portrait coloré du Mali.
(nb- la mise en page est trompeuse mais la photo correspond au festival folklife: ce sont des musiciens ghanéens. Certes c'est aussi l'Afrique mais ne mélangeons pas tout...)

Sunday, May 13, 2007

ethnomusicology concert


Les élèves du grand Pr de Dhrupad, chant multicentenaire de l'Inde du Nord. Je ne suis pas encore assez douée pour mettre les vidéos sur ce truc, mais vous vous satisferez d'une photo, jusqu'à ce que j'arrive à importer le chanteur bouclé jusqu'en France...

Sunday, May 06, 2007

de la politique à l'eau- et du colonialisme dans les musées


Faut-il vraiment que je commente la politique? On s'y attendait un peu.. tout ce que j'ai à dire c'est qu'il faudra se rattraper un peu aux législatives pour avoir un peu de contrepoids, ou au moins pour qu'il n'ait pas trop de champ libre, qu'il ne fiche pas tous les gamins et pour qu'on lui impose Azouz Begag en ministre de l'identité nationale (ce serait rigolo!).
La campagne pour les présidentielles (novembre 2008) a déjà commencé aux Etats-Unis, avec des débats entre les candidats des deux grands partis. Bien-sûr les médias mettent en avant leurs favoris, côté démocrate: Hillary Clinton, Barack Obama et John Edwards. Moi je préfère Dennis Kucinich, un candidat que j'ai découvert récemment dans une émission de radio, qui est très clair sur ses positions en matière de politique étrangère (arrêter de financer une guerre si on prétend s'y opposer), et qui propose aussi une réforme du financement des partis. Ce ne serait pas une mauvaise chose !
Sinon pour ma petite vie... tout va bien, je suis heureuse, je lis plein de bouquins passionants, je découvre l'univers carcéral américain, j'ai fait du kayak hier matin et j'ai visité cet après-midi le musée d'art moderne de Seattle qui vient de rouvrir après travaux. C'est un très beau musée qui m'a donné beaucoup à réfléchir sur la manière d'exposer les "arts premiers" et l'art populaire. Le musée du Quai Branly est finalement très décevant et ne parvient pas à sortir d'une vision néocoloniale des peuples primitifs figés dans leurs traditions millénaires qu'il faut absolument sauver du déluge capitaliste; l'architecture "Arche de Noé" traduit très bien d'ailleurs l'idéologie de l'ensemble. C'est une sorte de musée de la repentance: la puissance coloniale qui a exposé ces peuples à la "décadence" par trop plein de "civilisation" prend désormais en charge la préservation de leur patrimoine. L'image de la rivière qui traverse le coeur des ténèbres n'est pas anodine... J'ai trouvé en visitant le musée du Quai Branly qu'il avait été injustement dénigré - mais rétrospectivement je rajouterai une couche sur les critiques qui ont déjà été faites. Non seulement le musée du Quai Branly n'a pas de valeur scientifique à proprement parler (je laisse les anglophones se délecter avec le blog d'olivier morin sur ce sujet: http://www.cognition.ens.fr/~alphapsy/blog/?2006/09/28/39-branly ) mais les choix esthétiques n'ont pas de logique non plus. Ca fait un peu penser au projet du génome - je ne sais pas comment on appelle officiellement en français ce truc: Human Genome Diversity Project, dont le but est de conserver l'héritage génétique humain dans sa diversité, et pour cela aller chercher les peuples les plus isolés qui auraient le génome le plus pur, avant que cette pureté ne disparaisse dans les brassages humains : le texte du projet donne priorité aux groupes définis comme "unique, historically vital populations that are in danger of dying out or being assimilated"; curieusement, tiens, c'est à peu près les même que ceux du Quai Branly, des "peuplades" figées dans leur essence ou dans leur culture, définitivement Autres... Il faudrait en finir avec ce complexe de l'arche de Noé !
Le Seattle Art Museum, SAM de son petit nom, propose une approche bien plus intéressante, présentant l'art traditionnel aux côtés de l'art contemporain, les masques de telle tribu du Nigeria mis en scène sur des pantins reproduisant leur usage dans les cérémonies religieuses contemporaines, avec tous les éléments en usage, y compris les chaussures occidentales,la montre made in china, les bracelets en plastique... Les oeuvres "traditionnelles" des Aborigènes d'Australie à travers la reprise de leurs motifs par des artistes aborigènes contemporains. De même pour les Amérindiens de la région. Ce n'est pas l'exotisme qui est mis en scène, mais la vitalité et la créativité des artistes - qui finalement ne sont pas si "autres" que cela...