Une autre de mes expériences avec l'envers du décor à Seattle. Toute la semaine le soleil brillait et faisait scintiller le givre sur les arbres. Dans la clarté de l'horizon on pouvait admirer les montagnes enneigées. Le syndrome hivernal du manque chronique de lumière - appelé SAD; seasonnal affective disorder - marquait un sérieux recul, estompé il est vrai par une recrudescence de rhumes dûs probablement au froid inhabituel et au maintien d'habitudes inadaptées au climat (du type tongues et short).
C'est donc bien couverte que je suis partie, jeudi dans la nuit, au Compass Center de Seattle. Il était 2h30 du matin et des centaines de personnes s'étaient réunies là pour le One Night Count: ue nuit de recensement du nombre de sans-abris à Seattle. La colonne vertébrale de cette entreprise, c'est le réseau des églises locales. Je me suis inscrite pour le secteur "Greenlake" (voir la carte- nb j'habite sur la droite par rapport à Greenlake, juste au dessous du point bleu inférieur, c'est Greenlake reservoir)
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J'étais dans une sous-équipe avec trois Américains d'origine asiatique venant de l'église protestante de Keystone (dont un vieillard gaillard de 81 ans, vétéran de la seconde guerre mondiale et ancien champion de triathlon), et un jeune cool de type un peu latino qui m'a dit qu'il était pasteur de l'église américano-taiwanaise. Une équipe sympathique. Nous avions la charge du tour du lac, moitié est, une autre équipe faisait la partie ouest. Il fallait observer chaque buisson, chaque recoin pour voir si quelqu'un y dormait, et signaler sur notre petite fiche le nombre de personnes observées; le type d'abri (couvertures, tente, voiture etc). La consigne était de ne pas déranger les sans-abris donc les informations sont très lacunaires (on ne sait pas l'age; le sexe ou la nationalité de la personne). Nous avons compté, avec mon équipe, quatre personnes (dont une sorte de tente faite de bâche, compte pour 2 personnes, c'est la règle). Nous avions des doutes sur le statut de deux personnes qui couraient autour du lac ( à 3h30 du matin, par un froid glacial); mais notre vétéran leur a demandé s'ils étaient sans abris et ils ont répondu que pas du tout, ils faisaient leur jogging. Le manque de sommeil est aussi un fléau de l'Amérique...
L'autre équipe qui faisait le tour du lac a compté deux sans abris. Total de 6 pour le tour d'un lac qui est le paradis des joggers du dimanche. Cela me semble beaucoup pour ce quartier résidentiel où aucun sans-abri n'est visible de jour (contrairement au centre ville). Et beaucoup pour une nuit qui était sans doute l'une des plus froide de l'année, dans les -5/-10 degrés. L'eau du lac avait un air dur et figé, et reflétait avec indifférence les pâles rayons de la lune.
Pour information; le One Night Count a recensé 1 976 sans-abris à Seattle (pour une population de 580 000 habitants environ), chiffre qui exclut les personnes en centres d'hébergement mais inclut les personnes qui se trouvaient dans les abris exceptionnels "grand froid", 140 pour l'ensemble du comté (Seattle et sa banlieue). Ceci représente une augmentation de 15% par rapport à l'an dernier (alors qu'il faisait moins froid...). L'opération de recensement sert à faire pression sur les autorités publiques pour développer le logement social. La tendance actuelle est plutôt à la création de condos (lofts; grands appartements en copropriété).
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