Monday, December 25, 2006

Noel à New York


Aujourd’hui, journée larvesque et studieuse. Il pleut à New York, journée idéale pour ne rien faire, tout en préparant un peu mes cours pour la rentrée. Ente le chapitre sur le présent (tiens je découvre qu’il y a 4 groupes de conjugaisons en français, j’ai toujours cru qu’il y en avait 3…) et le chapitre sur l’impératif (avec une délicieuse comptine de Prévert), je vais vous raconter les jours passés à New york…

J’avais bien commencé méthodiquement et puis tout s’est effiloché, je suis presque entrée dans une routine newyorkaise, à sortir le soir à des concerts, dans des bars ou dans des clubs de jazz semi-clandestins, à me lever à pas d’heure et me promener avec Damien l’après-midi. J’ai continué mes visites de la ville fantastique, aussi bien dans ses hauteurs que dans ses souterrains…

Voici quelques photos de l’Empire State Building et de la "skyline" New York - un peu brumeuse ce jour là mais d’autant plus fascinante d’une luminosité auréolée de mystère, dans laquelle se découpent et se fondent les silhouettes d’une forêt de grattes-ciel….



Et puis des photos de l’intérieur de la Gare Centrale, toute parée pour la fête, diffusant tous les quarts d’heure un spectacle son et lumière évoquant l’atmosphère de noël…

Et ces murs d'un squatt d'artiste à Lower East Side (entre Greenwich Village et Chinatown), superposant les rencontres - Par chaînes de contacts plus ou moins directes d’amis d’amis et leurs amis respectifs, j’ai rencontré pas mal de monde. Des étudiants arabes qui m’ont fait découvrir le quartier arabe du Queens où on peut fumer une bonne chicha malgré l’interdiction générale de fumer à NY (ce sont des chichas « sans nicotine »… !) ; un juif newyorkais qui écrit un guide des sorties, nous a harponnés lors d’un spectacle de danse du ventre à la Brooklyn Academy of Music, nous a proposés de venir voir un spectacle de musique sépharade dans un club célébrant la fin de Hannoukhah puis nous a tenu la jambe pendant 3 h pour nous parler du prix nobel du génie décerné à un des musiciens de ce club ; un indien architecte, Chai (qui travaille à construire des grands ouvrages un peu partout dans le monde) et sa sœur, Debochery (oui elle a un nom très bizarre mais c’est une jeune fille très décente et réservée, et très belle en plus) qui sont venus passer le réveillon avec nous. New York est une ville très cosmopolite…j’ai l’impression d’être au centre du monde…
J’ai visité le Metropolitan Museum of Art ( Met’ pour les intimes), absolument extraordinaire, j’ai l’impression de dire ça tout le temps mais c’est vrai ! Depuis les plus fins textiles byzantins (Violaine tu pourrais négocier un voyage d’étude avec ton école) au patio de palais andalou entièrement déplacé de son Espagne originelle, en passant par les paravents japonais, les impressionnistes français (euh je triche, je ne les ai pas vus parce qu’on ne pouvait pas faire le musée en une fois…), les vitraux de cathédrales gothiques, les ivoires, les petits santons en porcelaine de Saint Petersbourg, les statues maya et leurs vases aux motifs de bande dessinée, les totems papous (dont le sourire égare un peu le spectateur après les tableaux légers de Boucher… cette figure que nous voyons comme sympathique représente-t-elle vraiment une divinité bienveillante, ou est-ce nous qui n’avons pas les bonnes clés de lecture ? Je lance le débat pour les amis intéressés, ceci s’adresse à Julien en particulier)… Ces impressions sont un peu décousues, pardonnez le style, disons que j'ai été émotionnellement perturbée... Et en cherchant des photos sur internet pour illustrer tout cela, je m'aperçois que je n'ai pas vu le quart des collections (moi qui pensais en avoir parcouru presque la moitié !)

Dimanche, jour du Seigneur et jour de Noël, nous sommes allés à deux messes (entre les deux, courses, préparation du repas, une bonne dinde aux agrumes, recette maison).

Le matin, il a fallu se lever tôt pour aller à la messe à Harlem (un quartier Nord de Manhattan, le quartier Noir, toujours pauvre mais en fait assez joli avec ses grandes avenues et ses petits immeubles anciens, ce n’est pas du tout l’image de ghetto que j’en avais !).
C’était une messe africaine-américaine, menée par le pasteur Rev. Calvin O. Butts, qui a commencé la messe (après le chant de bienvenue du chœur) par une présentation des « invités » aux membres de l’église, puis une lecture de messages personnelles ( X. est en ce moment en voyage d’études à Sanghai, grâce à une bourse financée par l’église, et elle nous adresse un message de Noël, Y. a perdu sa mère, nous nous associons à son chagrin et la remercions d’avoir pensé à l’église dans ses dons..) : on a l’impression d’assister à une réunion de famille. Puis après quelques chants, prières, et lecture d’évangile, le pasteur commence son sermon d’emblée très politique. L’attitude de la police est inacceptable, et la communauté noire ne peut plus tolérer cela (je pense qu’il faisait allusion au fait général d’une très inquiétante sur-représentation des Noirs dans les taux d’arrestation et d’incarcération aux Etats-Unis, et d’un fait divers plus récent où un jeune homme, suite à une altercation dans un club de NY, a été abattu de 40 balles par la police alors qu’il n’était pas armé) : le pasteur donne publiquement un ultimatum aux autorités, qui doivent apporter des réponses satisfaisantes avant le 15 janvier.

Puis il reprend sa lecture de la Bible, et dénonce l’hypocrisie du gouvernement, qui envoie des soldats en Iraq et ne se préoccupe pas des pauvres de Harlem. Il conclut son sermon en espérant qu’une vraie révolution interviendra dans 2 ans (nb. Elections présidentielles). Il est très chaudement applaudi. Le sermon politique enchaîne très naturellement sur des prières et des actions de grâce, et de très beaux chants. On repart, ayant enfin compris l’importance que la religion pouvait avoir pour les Américains en général, pour les Noirs en particulier. Autour de l’église se forme une véritable communauté de gens qui se connaissent et se soutiennent. La messe n’est pas seulement un moment de prière, c’est un moment où la communauté se définit elle-même et se soude.

Abyssinian Church est l’une des églises les plus anciennes et des plus célèbres de Harlem - notamment grâce au prédicateur Adam Clayton, élu à la chambre des représentants en 1945 et très actif dans la lutte pour les droits civiques (déségrégation de l’armée) mais aussi pour une politique sociale (salaire minimal). A entendre la force rhétorique du pasteur Calvin O. Butts, sa virtuosité oratoire, et l’impression qu’il produit sur son auditoire, je comprends aussi que les églises puissent être un lieu de formation politique…
Dans un tout autre style, après un repas de Noël partagé entre agnostiques, athées, hindous et musulmans, nous sommes allés écouter la messe de Noël à l’église Saint Ignace de Loyola, catholique comme son nom l’indique, une immense cathédrale dans un style contre-réforme, tout en marbres et en dorures, et un auditoire presque complètement blanc… quel contraste avec Harlem ! la musique était très belle, mais le sermon du prêtre un peu ennuyeux (surtout à minuit…), et bien plus conservateur qu’à Harlem…Je me demande dans quelle mesure l’église influence politiquement les fidèles ou au contraire si les fidèles choisissent leur église en fonction de leurs convictions politiques (je parle d’église non pas comme confession en général, mais comme lieu spécifique, avec une certaine histoire, certaines personnalités, un certain type d’auditoire).

C’est la dernière solution qui me semble plus plausible (un épisode de Six Feet Under confirmerait cette intuition : le jeune entrepreneur de pompes funèbres gay, qui fréquentait une église très libérale avec son amant policier black, a changé d’église pour être inséré dans un milieu où il se ferait plus de relations pour ses affaires – banquiers, avocats etc. – mais la nouvelle église étant trop conservatrice, il est retournée à la précédente.. Je n’ai pas fini la série, je ne sais pas ce qui se passe après. Pour ceux qui l’ont vu, Olivier notamment, je suis très intéressée par vos commentaires - photo: une autre église de Harlem)
Fini pour aujourd'hui... il pleut toujours, il y a peu de passants dans la rue ce soir et de temps en temps on entend ces alarmes de voiture absolument insupportables qui en même temps font le charme de New York...

1 comment:

yasmine said...

Je remercie Julien pour ce commentaire sur le sourire des statues, savoir qui mérite d'être partagé...

" je suis aussi, je crois, à peu près capable de répondre à ta question sur le sourire énigmatique des totems papous: contrairement à ce qu'ont laissé assez longtemps supposer les journaux de Bougainville et Cook, les peuples océaniens semblent avoir été particulièrement violents (Cook l'a d'ailleurs découvert sur le tard à ses dépends...). Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une violence motivée par une contrainte géographique très forte: la petitesse des territoires disponibles, puisque tous ces peuples sont insulaires, et les iles océaniennes souvent toutes petites. On a des
témoignages de ce que les conflit pour la terre y étaient nombreux et fréquents, et que ces peuples vivaient souvent dans une culture de la violence, pour la défense du sol face aux autres tribus.
Ce sourire que tu crois voir sur des totems, des masques, des parures, des figures d'ancêtres...n'en est pas un: ces figures , en fait,montrent les dents pour effrayer l'ennemi, comme les papous ont pu le voir eux-mêmes
faire au bêtes avant qu'elles ne s'affrontent. Toutes ces effigies ont donc pour but de protéger le territoire et ses habitants des agressions
extérieures, et d'ailleurs l'art océanien est sans doute le plus expressif, à mon avis plus que l'art africain, pour ces raisons "géopolitiques". Donc, sauf cas exceptionnel, ces totems te voulaient
plutôt du mal, je pense qu'ils rugissent encore de se retrouver à New York, ils préféraient la Nouvelle-Guinée...
Pour info, les premières scultpures présentant un sourire (d'ailleurs bouche close, donc pas équivoque) sont égyptiennes, donc vers 2500 av.JC, il y a d'ailleurs dans l'art égyptien une forte dimension religieuse du sourire: beaucoup de divinités sourient, sans doute en signe de protection et de plénitude...(?), après quoi ces représentations se sont "sécularisées" très vite (un pharaon c'est tout de même un dieu), et transmises à la statuaire grecque archaïque, celle des Kouroï et Koraï, et puis dans toute l'Europe...
Moi-même je souris en ce moment en me disant qu'il est temps que j'arrête par ce que c'est une vraie conférence... Mais en fait, je ne sais pas si
une histoire occidentale et non-occidentale du sourire a été faite, c'est un sujet passionnant à vrai dire...
un sourire et à bientôt,
julien