Sunday, February 04, 2007

Des centimes et des millions

Week-end studieux après une longue semaine... J'ai bien peu de choses touristiques à raconter, sinon peut-être cet escapade dans une grande librairie du centre-ville qui m'a donné matière à m'occuper par la suite. Donc commençons par là.
Vendredi soir je suis allée avec ma copine Amel dans une grande librairie toute en boiserie, Elliott Bay, endroit magique et ruineux, comme toute librairie agréable pour les amateurs de livres. J'ai acheté quelques livres pas très joyeux mais très intéressants, dont "Nickel and Dimed", une enquête sur les travailleurs pauvres aux Etats-Unis, un livre sorti en 2001 qui a eu beaucoup de succès et qui devrait être lu de manière plus large. C'est une essayiste, Barbara Ehrenreich, qui s'est lancée dans l'expérience de tenter de vivre, comme près de 30% des travailleurs américains, avec un salaire inférieur à 8$ de l'heure. - (pour avoir une idée du coût de la vie, considérez juste que les dollars équivalent aux euros. L'Amérique pas chère, c'est un mythe entretenu par les hamburgers à 1$, mais entre nous je ne sais pas trop avec quoi ils sont faits car acheter au supermarché la viande pour faire le hamburger ça coûte déjà plus de 1$...) - Serveuse en Floride, femme de ménage dans le Maine, vendeuse dans le Minnesota. On traverse l'Amérique des odeurs de graisse, du mal de dos et des pauses-pipi minutées. On recense un catalogue impressionnant de trucs répugnants entre les conditions de travail et les conditions de logement. Mais outre cet aspect exotique pour une étudiante qui vit bien dans son petit bureau, sa petite chambre et la grande bibliothèque moltonnée de moquette, "Nickel and Dimed" c'est une livre à suspens, on reste accroché jusqu'à la résolution du mystère: avec 7$ de l'heure chez Wal-Mart, comment va-t-elle payer les 56$ d'hotel par jour dans Minneapolis (où il est impossible de se loger pour moins cher) tout en gardant de quoi manger ? Au risque de dévoiler la résolution de l'intrigue, je vous dis tout de suite qu'elle n'y arrive pas, d'où l'on voit que même en travaillant 10h par jour 7 jours sur 7 elle se retrouve à aller frapper à la porte des organisations de charité et autres oeuvres philanthropiques qui ont remplacé un Etat d'autant plus absent depuis les réformes de l'aide sociale dans les années 1990. La journaliste abandonne quand elle se rend compte qu'elle dépense plus en logement qu'elle ne gagne à son travail... elle se dit que finalement elle ne va pas payer pour travailler à Wal-Mart !
Bref ce livre (qui est traduit en français sous le titre de l'Amérique Pauvre) m'a pas mal occupé l'esprit... Et par dessus cela j'ai ajouté un documentaire sur Enron, recommandé pour un cours de sciences politiques. Je n'avais pas vraiment compris le scandale d'Enron quand c'est arrivé, je ne connaissais pas la compagnie, j'avais juste compris qu'ils avaient falsifié leurs comptes et s'étaient effondrés en bourse... En fait c'est une affaire énorme car Enron était le premier courtier en énergie, et la firme était passée au main de ses boursicoteurs depuis plusieurs années, avait inventé la notion de "revenu hypothétique anticipé" pour investir de l'argent qu'elle n'avait pas, voyait toutes ses manoeuvres couvertes par les comptables (Arthur Anderson notamment) et les banques, et surtout se servait d'incroyables complicités politiques pour faire augmenter les prix de l'énergie: vous vous souvenez des coupures de courant en Californie, qu'on trouvait étranges dans un Etat si riche ? C'était Enron ! Le documentaire ne s'attarde pas trop sur les complicités de la famille Bush, que des présomptions peut-être, mais les documents montrant comment les courtiers d'Enron ont organisé la pénurie d'électricité en Californie sont impressionnants. Je vous invite à le visionner le passage (pour les anglophones only, sorry), et à le faire circuler auprès de ceux qui voudraient déréguler le marché de l'énergie... Le documentaire vaut la peine d'être regardé en entier ( http://video.google.com/videoplay?docid=-6156657092799332311 )

Bon je ferais mieux la semaine prochaine en termes de week-end, promis. Mais le temps était un peu pourri ce week-end, tout le monde est plus ou moins enrhumé à cause des redoux et des re-froids. Et puis il faut bien que je vous fasse partager mon indignation, surtout que tout ça menace de nous arriver droit dessus avec le mois de mai et un certain étalon admirateur invétéré du système américain dans toute sa splendeur...

6 comments:

Damien said...

ah oui il faut que je le lise ce bouquin! C'est bien que tu en parles... Et, au fait, merci pour ton mail, je vais meme bientot y repondre. Promis!

yasmine said...

Je suis contente que tu aies lu mon blog, j'y comptais bien.. et à vrai dire je comptais sur toi aussi pour m'apporter un peu des chiffres sur la France: le niveau du SMIC, qui est payé moins de 10 euros de l'heure etc...
Est-ce que qqn a regardé la vidéo d'Enron ? Vraiment ça vaut le coup. Sofien, si tu vois ça il faut le fwder à Vithy parce qu'il travaillait à la section énergie de la Sogé !

Anonymous said...

Il a l'air bien ce livre ! je vais tout de suite le prendre à la bibli !! pour le smic, je m'étais amuser à faire des petites comparaisons inter état et à convertir le SMIC euros en dollar, je vais retrouver ça (c qq part sur mon blog) voilà, je cite : " j'ai appris qu'il y avait un salaire minimum en Californie . Evidemment, c'est pas non plus l'extase : 6,75$ par heure. Mais il est qd même de 8,5$ à SF. Et 6,75$ c'est mieux qu'au Kansas( 2,65$) ou que dans les Etats comme l'Arizona où il n'y en a pas. Pour la majorité des états, c'est autour de 5$.
Je rappelle que le SMIC horaire brut en France est de 8,27 euros, soit 10,85 $ (en net ça fait autour de 6,4 euros, soit 8,42$)."

bon, et sinon plein de bisous !

yasmine said...

les salaires minimums cités pour les Etats-Unis sont aussi en brut: il faut déduire tout un tas de taxes, et noter que, contrairement aux prélèvements sociaux en France, aux Etats-Unis on n'en récupère rien: pas d'assurance maladie, et quant au système des retraites il est encore trop obscur pour moi pour que j'en parle ! qui se porterait volontaire ?

Anonymous said...

ah oui, c'est vrai que c'est brut !! ça change tout ...d'ailleurs pour lutter contre une légende selon laquelle on ne paie pas d'impôts aux US, je m'insurge : j'ai perdu 50% de mon salaire en taxes !! (bon aussi normalement il y a plein moyen de payer moins, mais à Stanford personne m'a rien expliqué)
Et comme tu le dis, pas de couverture sociale en contrepartie
en gros ici l'argent va direct dans les caisses de l'armée en Irak. En tout cas il va pas dans les routes, ça c'est sur, ni dans les transports en commun. Et ni dans l'aide aux handicapés (il y en a un nombre considéralbe qui sont SDF).
Pour les retraites, je crois que c'est des trucs privés, qui dépendent de l'entreprise où on est, et on peut compléter, avec des fonds de pensions par exemple, mais j'avoue ne pas être une spécialiste...
Ah et ça a rien à voir, mais je viens de finir Freakonomics, et en fait c'est très rigolo.

yasmine said...

Pour surenchérir sur les routes: fini le mythe de l'Amérique propre et rutilante aux routes flambant neuves. Je ne sais pas si c'est dû au niveau d'activité sismique ou simplement à un entretien plus que défaillant, mais les routes sont vraiment pourries ici. Ce qui quelque part donne un peu de justifications à tous ces gars qui se déplacent en 4x4 comme s'ils allaient faire un safari lorsqu'ils vont au bureau. Donc pour lutter contre l'émission de gaz à effet de serre, commençons par réparer les routes ! on pourra enfin utiliser les bicyclettes sans risquer l'immersion. Et un autre truc hallucinant que j'ai vu dans le NYT: les réseaux d'égoût et d'évacuation des eaux de pluie, construits pour la plupart au XIX, se font si vieux qu'ils provoquent des affaissements de chaussée: des trous impressionnants au beau milieu de la route!