Sunday, February 11, 2007

Beaucoup de mots, pas de photos...

Après une longue semaine où j'ai dû écrire deux papiers (une lecture théorique du problème des réfugiés, pour laquelle j'ai pas mal péché dans mon mémoire sur Arendt, et un papier sur la notion de souveraineté que j'ai choisi d'examiner à travers la question des lois françaises sur l'immigration, histoire d'utiliser ce terrain que j'ai fait à la pref de Bobigny - d'ailleurs Vincent, si tu lis ça, j'aimerais bien des nouvelles du séminaire !), après tout cela donc, à quoi s'ajoutaient des montagnes de copies de français, il me fallait prendre l'air et tenter un peu de me racheter de ma coupable contribution à la déforestation de la planète. Je suis donc retournée à Colman Park (cf "Martin Luther King Day") planter des arbres. Il faisait très beau, la compagnie des volontaires était sympathique, même si beaucoup n'étaient pas si volontaires que ça car les universités et certains lycées imposent un nombre d'heures minimum de "service dans la communauté" pour valider un cursus d'études. Donc ils traînaient un peu de la pelle en attendant que ça se finisse... Mais avec le soleil printanier se reflétant sur le lac et la bonne odeur d'humus, c'était pour moi un moment incroyablement bénéfique. En revenant, j'ai rencontré Ail, un Africain-Américain la cinquantaine très joviale qui m'a fait la conversation pendant tout le trajet de bus (presque une heure), m'expliquant la gentrification de Seattle, sa vie comme boucher syndiqué à San Francisco, les problèmes raciaux aux Etats-Unis, son expérience du Viet-Nam, la guerre en Iraq avec l'argent de laquelle on ferait mieux de financer un système d'assurance-maladie pour les vieux (les assurances privées coûtent en moyenne 300 à 400 $ par mois quand on a plus de 65 ans)... Notre périple nous a menés au centre-ville, nous nous sommes séparés devant le marché, du coup j'en ai profité pour aller me chercher un maquereau, chez le poissonnier le plus fameux de Seattle - connu non seulement pour la fraîcheur de la marchandise, mais aussi pour l'attraction touristique du "lancer de poisson": on demande un poisson à l'étalage, un des poissonniers vous demande comment on doit le préparer (vider? laisser la tête?) puis le balance à l'autre bout du stand en criant " One mackerel Clean it !Leave the head !" en rythme repris par les cinq ou six autres poissonniers, en choeur, et sur fonds de cris des touristes qui se trouvent sous la trajectoire du poisson. La prochaine fois j'essaierai de vous faire une vidéo, je ne suis pas sûre que vous saisissiez le côté spectaculaire de la chose avec mes descriptions approximatives.
Donc le poisson, c'était pour faire la cuisine à ma copine Amal, qui me fait toujours des plats palestiniens et à qui je voulais cuisiner un truc un peu français (mais sans porc et sans alcool).
Le soir, je suis allée avec un groupe d'amis TA de français et d'espagnol voir "Les Monologues du Vagin", une pièce de Eve Ensler qui a eu un succès international, j'ai longtemps hésité à y aller en France, j'en avais toujours entendu beaucoup de bien mais je ne savais pas trop... j'ai trouvé ça génial ! Des choses graves parfois mais surtout beaucoup d'humour, j'ai beaucoup ri, entre les différentes catégories de gémissements pendant l'amour et les récits de visites chez le gynéco, bref je n'en dis pas plus, c'est un truc de fille aussi parce que les mecs qui sont venus n'ont pour en majorité pas beaucoup aimé, l'un a trouvé ça perturbant, un autre a trouvé ça chiant... Mais à toutes les femmes qui lisent ce blog je vous conseille vivement d'aller voir cette pièce! (http://au-theatre.com/bdd/PageT/monologue.html)
On a fini la soirée dans un club hip-hop qui organise 2 fois par mois une soirée indienne, avec tous les indiens (d'Inde) de Seattle, une ambiance folle de hits américains remixés à la sauce indienne (vous connaissez la chanson K2R à Bombay ? voilà, c'est le genre...).
Le lendemain dimanche il fallait bien que je travaille un peu, je suis allée bouquiner dans mon café préféré hippie-artiste 'Wannabee". Puis je me suis retrouvée, par d'heureuses rencontres, dans un resto érythréen à manger de l'injira en écoutant un Américain du Ghana jouer de la kora...
Bref c'était un week-end assez éclectique, je me suis efforcée de faire plein de choses pour pouvoir nourrir ce blog qui, je le constate avec plaisir, est lu assidûment par certains d'entre vous ! n'hésitez pas d'ailleurs à laisser vos commentaires...

Sunday, February 04, 2007

Des centimes et des millions

Week-end studieux après une longue semaine... J'ai bien peu de choses touristiques à raconter, sinon peut-être cet escapade dans une grande librairie du centre-ville qui m'a donné matière à m'occuper par la suite. Donc commençons par là.
Vendredi soir je suis allée avec ma copine Amel dans une grande librairie toute en boiserie, Elliott Bay, endroit magique et ruineux, comme toute librairie agréable pour les amateurs de livres. J'ai acheté quelques livres pas très joyeux mais très intéressants, dont "Nickel and Dimed", une enquête sur les travailleurs pauvres aux Etats-Unis, un livre sorti en 2001 qui a eu beaucoup de succès et qui devrait être lu de manière plus large. C'est une essayiste, Barbara Ehrenreich, qui s'est lancée dans l'expérience de tenter de vivre, comme près de 30% des travailleurs américains, avec un salaire inférieur à 8$ de l'heure. - (pour avoir une idée du coût de la vie, considérez juste que les dollars équivalent aux euros. L'Amérique pas chère, c'est un mythe entretenu par les hamburgers à 1$, mais entre nous je ne sais pas trop avec quoi ils sont faits car acheter au supermarché la viande pour faire le hamburger ça coûte déjà plus de 1$...) - Serveuse en Floride, femme de ménage dans le Maine, vendeuse dans le Minnesota. On traverse l'Amérique des odeurs de graisse, du mal de dos et des pauses-pipi minutées. On recense un catalogue impressionnant de trucs répugnants entre les conditions de travail et les conditions de logement. Mais outre cet aspect exotique pour une étudiante qui vit bien dans son petit bureau, sa petite chambre et la grande bibliothèque moltonnée de moquette, "Nickel and Dimed" c'est une livre à suspens, on reste accroché jusqu'à la résolution du mystère: avec 7$ de l'heure chez Wal-Mart, comment va-t-elle payer les 56$ d'hotel par jour dans Minneapolis (où il est impossible de se loger pour moins cher) tout en gardant de quoi manger ? Au risque de dévoiler la résolution de l'intrigue, je vous dis tout de suite qu'elle n'y arrive pas, d'où l'on voit que même en travaillant 10h par jour 7 jours sur 7 elle se retrouve à aller frapper à la porte des organisations de charité et autres oeuvres philanthropiques qui ont remplacé un Etat d'autant plus absent depuis les réformes de l'aide sociale dans les années 1990. La journaliste abandonne quand elle se rend compte qu'elle dépense plus en logement qu'elle ne gagne à son travail... elle se dit que finalement elle ne va pas payer pour travailler à Wal-Mart !
Bref ce livre (qui est traduit en français sous le titre de l'Amérique Pauvre) m'a pas mal occupé l'esprit... Et par dessus cela j'ai ajouté un documentaire sur Enron, recommandé pour un cours de sciences politiques. Je n'avais pas vraiment compris le scandale d'Enron quand c'est arrivé, je ne connaissais pas la compagnie, j'avais juste compris qu'ils avaient falsifié leurs comptes et s'étaient effondrés en bourse... En fait c'est une affaire énorme car Enron était le premier courtier en énergie, et la firme était passée au main de ses boursicoteurs depuis plusieurs années, avait inventé la notion de "revenu hypothétique anticipé" pour investir de l'argent qu'elle n'avait pas, voyait toutes ses manoeuvres couvertes par les comptables (Arthur Anderson notamment) et les banques, et surtout se servait d'incroyables complicités politiques pour faire augmenter les prix de l'énergie: vous vous souvenez des coupures de courant en Californie, qu'on trouvait étranges dans un Etat si riche ? C'était Enron ! Le documentaire ne s'attarde pas trop sur les complicités de la famille Bush, que des présomptions peut-être, mais les documents montrant comment les courtiers d'Enron ont organisé la pénurie d'électricité en Californie sont impressionnants. Je vous invite à le visionner le passage (pour les anglophones only, sorry), et à le faire circuler auprès de ceux qui voudraient déréguler le marché de l'énergie... Le documentaire vaut la peine d'être regardé en entier ( http://video.google.com/videoplay?docid=-6156657092799332311 )

Bon je ferais mieux la semaine prochaine en termes de week-end, promis. Mais le temps était un peu pourri ce week-end, tout le monde est plus ou moins enrhumé à cause des redoux et des re-froids. Et puis il faut bien que je vous fasse partager mon indignation, surtout que tout ça menace de nous arriver droit dessus avec le mois de mai et un certain étalon admirateur invétéré du système américain dans toute sa splendeur...